Depuis le mois de novembre 2017, Fernando Barcenas (qui est sorti de prison le 11 juin dernier) et d’autres prisonniers du collectif Cimarron* lançaient l’idée de mettre en place une bibliothèque autonome gérée par les prisonniers eux-mêmes à l’intérieur de la prison Nord de Mexico. Après plusieurs mois de travail et de construction à l’intérieur, d’organisation et de soutien de l’extérieur, la bibliothèque « Xosé Tarrío González » ** est inaugurée le 28 avril 2018, non sans difficultés. La bibliothèque grandit peu à peu, elle se dote de 1000 documents et livres environ, jusqu’à ce que, le 5 juillet 2018, les autorités pénitentiaires décident de mettre fin à cette initiative.
« Construire une bibliothèque à l’intérieur de la prison va bien au-delà du fait de créer un simple espace « culturel » ou de « loisirs », cela implique d’assumer le fait qu’il y aura des tensions et des affrontements parce que, pour les sbires de l’administration pénitentiaire, il est inconcevable que les prisonniers soient capables d’autodétermination. » [Écrivait Fer Barcenas au mois de février 2018, depuis la prison Nord]
Communiqué envoyé par la Croix Noire Anarchiste de Mexico, 6 juillet 2018 :
Jeudi 5 juillet 2018, les compagnons incarcérés dans la prison nord, qui font partie du projet collectif CIMARRON ayant mis en place une bibliothèque alternative [à l’intérieur de la prison] nous ont informé que cette dernière avait été attaquée par les gardiens sous les ordres des commandant Hormigo (chargé de la sous-direction de la sécurité ) et Campos. Ces derniers ont obligé, mardi dernier, les compagnons à se couper les cheveux, en les menaçant d’être punis et envoyés dans le module de sécurité maximale de cette prison. Face à cette menace, les compagnons ont accepté de se couper les cheveux. Cependant, ils ont porté plainte contre les méthodes autoritaires du personnel de sécurité.
C’est pour cette raison que les commandants les ont convoqués à la direction pour renouveler leurs menaces. Cette fois-ci, ils ont dit que s’ils ne retiraient pas leur plainte, ils seraient transférés au module de sécurité maximale. Suite à tout cela, des fouilles violentes des cellules des compagnons ont été effectuées par les gardiens. Cela s’est fini par le saccage et la destruction de la bibliothèque alternative Xosé Tarrío González et le transfert du compagnon Gerardo Ramírez Valenzuela au dortoir de punition numéro 1 sous des prétextes absurdes.
Il faut rappeler que ce harcèlement dure depuis des mois. En effet, les autorités voient cette bibliothèque comme un danger pour leurs intérêts économiques.
Nous dénonçons l’attaque d’un espace culturel où les prisonniers peuvent s’exprimer librement. Nous mettons en question la duplicité morale et l’hypocrisie de l’administration pénitentiaire.
En effet, d’un côté, elle attaque des espaces culturels et artistiques, criminalise ceux qui refusent de se soumettre docilement à sa politique d’extermination et de mort, tout en autorisant et protégeant des entreprises criminelles auxquelles ces hauts fonctionnaires appartiennent.
Suite à ces faits, nous rendons responsables le directeur de la prison Enrique Serrano Flores, ainsi que Mónica Mandujano Rosillo la responsable de l’auditorium (où se trouve la bibliothèque) et les commandants Hormigo et Campos, des dégâts causés à la bibliothèque et à l’intégrité physique des compagnons du collectif Cimarron: Luis Lázaro Urgell, Alejandro N, Gerardo Ramírez Valenzuela. Nous exigeons que soit levée la punition de Gerardo et qu’il soit ramené à son dortoir.
Proyecto ambulante, Cruz Negra Anarquista Mexico
Notes :
*Le collectif CIMARRON est formé par plusieurs prisonniers en résistance de la ville de Mexico dont : Fernando Barcenas Castillo [qui est sorti de prison le 11 juin 2018], Gerardo Ramirez Valenzuela, Luis Lazaro Urgell et Alejandro N. Il s’agit d’un petit groupe de personnes qui ont décidé eux-mêmes d’appeler « cimarrón » « cimarrón pouvant être tout animal domestiqué qui échappe à ses maîtres et redevient sauvage. Ce collectif a entamé un vaste travail de re-signification et de ré-appropriation de la vie à partir de la résistance culturelle, ignorant les espaces institutionnels pour mettre concrètement en place des ateliers, des discussions, une bibliothèque alternative, pour construire de la sorte une vie communautaire en marge du temps et des restrictions de la prison. En effet, la majorité de ceux d’entre nous considérés comme des « criminels » nous avons démontré que nous sommes capables d’assurer la subsistance avec intelligence, instinct et force physique en les combinant parfaitement entre eux, c’est ce qui fait de nous un ennemi en puissance à écarter par ceux qui nous dominent. C’est d’ailleurs pour ce motif qu’ils nous enferment dans des cages et qu’ils nous combattent de façon si brutale… Nombreux sont les « criminels » qui ne sont pas conscients de cela, mais d’autres comme nous l’ont perçu et sont prêts à livrer bataille contre le monstre carcéral et contre tout forme de domination… »
**Xosé Tarrío González est né en 1968 à la Coruña. A onze ans il est enfermé dans un internat, puis en maison de redressement pour se retrouver à 17 ans en prison où il contracte le SIDA. En prison, il met en œuvre l’anarchisme et la rébellion, menant de nombreuses tentatives d’évasions, pratiquant la solidarité réelle entre les prisonniers, luttant résolument contre la prison et les gardiens de prisons ; toutes ces attitudes entraînent humiliations, mises à l’isolement et il est de nombreuses fois torturé. En 2004, son état de santé se dégrade une nouvelle fois à cause de la maladie et finalement, le 2 janvier 2005 il meurt victime de l’institution carcérale et de la société qui la soutient. Xosé était un prisonnier du régime spécial FIES (Fichier Interne de Suivi Spécial) et auteur du livre « Huye, hombre, huye ».
Traduit par nos soins / correction Louise
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