Vous aimez les histoires d’amour ?
Vous avez tort. Elles font trop souvent pleurer.
Mais puisque vous êtes de ceux qui s’émeuvent des amours contrariées, voici une histoire bien réelle et toute récente.
Lui, il sappelle Alejandro. Alejandro Zobaran. Un grand brun, de velours et front décidé.
Elle, elle s’appelle Eider. Eider Uruburu. Jolie comme un cœur. La frange brune coupée court, un peu comme lhéroïne du film « Ocho apellidos vascos » (« Huit noms basques ») qui a tant plu aux habitants de la péninsule ibérique et à laquelle elle ressemble un peu. Un sourire de petite fille, un air à la fois déterminé et fragile. Ils se sont mariés il y a deux ans. Oh, pas un mariage en grande pompe, avec champagne, robe blanche, parents émus et amis sur la photo ! Eider et Alejandro se sont mariés en prison.
Eider et Alejandro sont basques. De ces Basques qui agacent les autorités espagnoles et françaises avec leur entêtement à vouloir libérer leur patrie. Cest leur choix. Là n’est pas la question. Tous deux ont été arrêtés en France pour leur appartenance à la lutte armée, lui en 2011, elle en 2010. Ils ont décidé de se marier. Avant, avec la clandestinité, ce n’était pas possible, même quand on le veut de tout son cœur. Elle a écopé d’une peine de six ans de prison, lui a dû attendre novembre 2014 pour être jugé*. Elle est sortie en mai dernier, remises de peine déduites, après 4 ans et 4 mois derrière les barreaux, et avec une interdiction définitive du territoire français…
Palais de justice de Paris, vendredi 21 novembre 2014. Les audiences pour le procès d’Alejandro et de ses 3 compagnons vont commencer. Eider est là. Venue de Bilbao, malgré l’interdiction de séjour, elle a pu assister la veille à la première audience. On imagine le choc pour Alejandro, bonheur et angoisse mêlés. Pendant les suspensions d’audience, quand on permet aux familles de s’approcher des accusés, ils ont pu échanger quelques mots, se tenir la main, pas plus parce que la vitre qui sépare n’a qu’une petite ouverture, tout en bas. Mais c’était quand même du bonheur. Et tous deux savent que, dès le procès terminé, ils ne pourront plus se voir avant quAlejandro ait purgé sa peine, puisque Eider, du fait de l’interdiction de territoire, n’aura jamais de permis de visite. Ce qui signifie des années de séparation. Quant à rêver d’un bébé…
Eider y pense encore en se présentant à l’entrée de la salle d’audience. Mais des policiers s’avancent, entourent la jeune femme, la menottent. La
veille, le procureur l’a reconnue. Ils l’emmènent. Comparution immédiate le lendemain. Selon la loi française, le délit est passible de deux ans de prison. Eider sait parfaitement que des cas semblables se sont déjà produits par le passé, avec à chaque fois une amende de 200 euros et un retour à la frontière.
Certes, l’infraction est avérée. Mais le mobile bien innocent. Les romantiques, les tendres, les amoureux, auraient relaxé Eider. Peut-être même, émus par cet amour en cage, lui auraient-ils accordé une autorisation exceptionnelle d’aller embrasser Alejandro au parloir de la prison, de temps en temps.
Mais le juge n’aimait pas les Roméo et les Juliette. Il a condamné Eider à huit mois de prison ferme.
Aujourd’hui, Eider Uruburu est incarcérée à Fresnes. Elle va sans doute faire appel. Mais le temps que cet appel soit examiné, des mois auront passé.
Cest ça, la justice ?
Mais la justice sans humanité, est-ce encore de la justice ?
* Au terme du procès, Alejandro Zobaran vient d’être condamné à huit ans
de prison.
Annie Arroyo
3 décembre 2014
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