Le jeune journaliste sahraoui, qui vit en Espagne depuis septembre 2011, sera-t-il réellement expulsé vers le Maroc ? Il devrait quitter l’Espagne le mardi 3 février si la décision de refus d’asile qui lui a été signifiée le 19 janvier n’est pas revue.
Hassania Aalia est né en 1989 à El Aaiun, au Sahara occidental. Il fait partie de ce petit groupe de Sahraouis qui ont choisi la voie du journalisme pour résister pacifiquement à l’occupation marocaine. Lui et d’autres jeunes s’activent au sein de l’agence de presse Equipe Media (1) qui tente de rapporter images et témoignages de la lutte qui s’organise sur place pour réclamer la tenue du referendum d’autodétermination et dénoncer la répression exercée par les forces de police et militaires sur les Sahraouis.
Si les membres de l’Equipe Media sont habitués aux agressions, arrestations et condamnations qui les frappent pour les dissuader de continuer leur activité, le sort qui serait réservé à Hassana Aalia , s’il venait à être expulsé d’Espagne, serait d’une extrême gravité.
En effet, il a été jugé avec 24 autres Sahraouis par le tribunal militaire de Rabat en février 2013 et condamné à la perpétuité (avec huit autres). Son expulsion signifierait alors pour lui son arrestation et sa détention dans la prison de Salé. (2)
Retour sur son parcours
Lorsque la révolte de Gdeim Izik a éclaté en octobre et novembre 2010, Hassania Aalia est envoyé par Equipe Media pour couvrir l’événement. Les médias internationaux sont interdits d’accès sur le territoire ; seuls quelques très rares journalistes étrangers parviennent à tromper la vigilance des militaires qui encerclent ce camp de près de 7000 tentes installé à 12 km d’El Aaiun. Pour Equipe Media, il est encore plus important d’être sur place.
A partir du 8 novembre 2010, ils sont plusieurs centaines de Sahraouis à être arrêtés (près de 400 selon l’ASVDH). Hassania Aalia en fait partie. Selon Equipe Media (3), il est arrêté à deux reprises en janvier 2011. Il aurait été condamné alors à quatre mois de prison avec sursis.
En octobre suivant, il obtient une bourse d’études au Pays Basque espagnol. Les liens entre les Espagnols (notamment au Pays basque) et les Sahraouis sont très étroits, faut-il le rappeler, du fait de la colonisation du Sahara occidental par l’Espagne de 1881 à 1976.
Hassana Aalia condamné à perpétuité
Et, deux mois avant de revenir à El Aauin, le jeune Sahraoui apprend qu’il figure parmi les 25 militants de Gdeim Izik, détenus pour la plupart d’entre eux depuis novembre 2010 et qui doivent être jugés en février 2013 par le tribunal militaire, contrairement aux conventions internationales. « La poursuite de civils devant une juridiction militaire est contraire non seulement aux standards internationaux mais également à la Constitution marocaine », avait précisé alors la Fédération Internationale des Droits de l’Homme dans un communiqué.
Pourquoi Hassania Aalia écope-t-il de la perpétuité ? Personne ne peut le dire avec précision, tant le procès a semblé être « joué d’avance », comme en témoignent les réactions de nombreuses ONG . (4)
En revanche, ce qui semble clair, c’est que Hassania Aalia, qui avait pourtant déjà été condamné pour sa participation au camp de Gdeim Izik, gênait les autorités qui ont voulu s’en débarrasser en le condamnant en réalité à rester en Espagne…
Un jugement reconnu par l’Espagne
C’est bien ce qu’a fait le journaliste. Retourner chez lui avant le procès de février 2013, de surcroît après, représentait pour lui de grands risques. De nombreux Sahraouis arrêtés après Gdeim Izik, comme l’ensemble des 24 Sahraouis détenus à Rabat, ont témoigné pour dénoncer les mauvais traitements ou les tortures dont ils auraient été victimes. Mais, aucune enquête sur ces allégations de torture n’a été menée. C’est même sur les aveux qu’auraient fait les militants que le tribunal s’est basé pour les condamner, alors que de nombreux témoignages et indices laissent penser qu’ils leur ont été extorqués.
En octobre 2012, Hassania Aalia a donc déposé une demande d’asile en Espagne. Mais, le 19 janvier dernier, un refus lui a été signifié. Dans un délai de 15 jours, il doit avoir quitté le pays.
Comme les pays amis du Maroc, l’Espagne n’a pas dénoncé le jugement de Rabat. Le lendemain du jugement, Amnesty International avait exprimé son souhait de voir »rejuger les 25 Sahraouis dans le cadre de procès équitables devant des tribunaux civils ». Mais, rien n’y a fait.
Aujourd’hui, plusieurs dizaines d’associations, de syndicats et de partis politiques espagnols se mobilisent depuis le 19 janvier pour demander que l’asile soit attribué à Hassania Aalia. Une pétition a été lancée (5).
Cela suffira-t-il ?
(1)http://www.emsahara.com/?lang=fr
(2)http://www.ecrirepourlesliberer.com/liste-des-64-prisonniers/
(3)http://www.emsahara.com/article642.html
(4)Lire à ce sujet cet article : http://www.nouvellesdusahara.fr/des-peines-tres-lourdes-pour-les-militants-sahraouis/
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