Afin de protester contre la réduction des parloirs prolongés à la prison de Fleury-Mérogis, les prisonniers politiques corses et basques ont écrit à la ministre française de la Justice, Christiane Taubira. Voici leur courrier :
Ce 30 mai 2015,
Bonjour Mme Taubira,
Nous nous adressons à vous pour solliciter votre intervention urgente auprès de la direction de la Maison d’arrêt de Fleury-Merogis au sujet du nombre de parloirs prolongés qui nous ont été réduits, sans autre explication, à partir de ce mois de juin.
Les prisonniers politiques basques et corses avions un accord avec la prison pour bénéficier de trois parloirs prolongés par mois (deux les weekend et un durant la semaine).
L’incarcération dans un centre exceptionnellement éloigné de notre lieu de résidence (plus de 810 km pour le Pays Basque, au delà de 1200 km pour la Corse), signifie pour nos familles et proches la contrainte d’avoir à effectuer des voyages extrêmement longs et couteux. Du coup, cette situation limite effectivement -matériellement-, (d’autant plus pour nos familles qui travaillent ou enfants scolarisés), leur possibilité de se rendre aux parloirs plus d’une fois par semaine.
Nous avions longtemps revendiqué comme il est pratiqué dans toutes les autres prisons de l’hexagone, de bénéficier d’un parloir prolongé par semaine. Après exposition de nos arguments, nous avions réussi à obtenir quatre parloirs prolongés par mois (avec la possibilité de cumuler deux dans une même semaine), puis plus tard et pour des causes de soi- disant limitations matérielles la prison réduisit ce nombre à trois par mois.
Il y a trois ans, lors du déménagement aux parloirs centraux provisoires (pour cause de travaux), la prison nous avait demandé de limiter davantage les parloirs prolongés des weekends avec l’argument du manque de cabines dans les installations provisoires. Bien que nous constatâmes très vite que cette raison était tout à fait fausse (il y a toujours des cabines libres ou des « fantômes »), nous acceptâmes en signe de bonne volonté. Nos porte-paroles et l’institution pénitentiaire, dont le capitaine Guzzo, accordâmes que lorsque des travaux des parloirs prendraient fin et nous retournerions aux parloirs des bâtiments, on reviendrait à ce qui était stipulé auparavant, à savoir au moins trois parloirs prolongés par mois (avec la possibilité de les prendre tous les trois les weekends).
Maintenant, non seulement la prison a supprimé, sans aucun préavis, un parloir par mois (réduisant le nombre à deux et non cumulables sur une semaine), mais en plus, les mécanismes de réservation indispensables pour que nos proches puissent assurer un billet pour le voyage, est aussi en question.
Ainsi, bien qu’avec les nouvelles installations la capacité matérielle des parloirs à notablement augmenté (et que nous sommes moitié moins de prisonniers politiques éloignés qu’il y a trois ans à Fleury-Mérogis), nous nous trouvons subitement gravement pénalisés. D’une part l’éloignement déportation, loin de chez nous, mais aussi par le temps réellement disponible de parloir dans l’absolu, mais aussi comparativement aux autres détenus. Effectivement, avec la contrainte de la distance, même dans la meilleure des conditions, nous ne parviendrons qu’à la moitié de temps de parloir disponible par mois par rapport au régime « normal ».
A ces données il faut ajouter le coût moyen (pour un voyage par semaine), de plus de 1650 € par mois, bien plus pour nos familles corses, les jours de travail déposés (et jours d’école perdus) non compris ainsi que la nuitée à l’hôtel – souvent indispensable par manque de correspondance des moyens de transport compatibles avec les horaires des parloirs.
Tous les arguments valables à l’époque de l’ancien accord sont donc toujours d’actualité.
Il n’existe aucune raison matérielle pour que ce qui était possible pendant tout ce temps soit arbitrairement anéanti.
Le fait que l’institution de Fleury-Mérogis bafoue ses propres compromis avec les responsables désignés (dont le capitaine M. Guzzo) et l’attitude esquive avec laquelle la prison a agi renforcent notre interprétation que cet acte est une agression intentionnelle et directe à la situation des prisonniers politiques basques et corses qui sommes incarcérés dans cette prison.
Bien entendu, nous sommes conscients que ceci est conséquence (un des buts recherchés) de la politique d’éloignement familial que vous nous imposez comme mesure ajoutée à notre peine et qu’il s’agit là d’une raison à fondement purement politico-répressive.
Quelles que soient les raisons, nous considérons que cet acharnement doit avoir des limites et que la prison doit, comme il se fait dans toutes les autres prisons de France, mettre les moyens pour mitiger cette punition ajoutée qui vise particulièrement nos familles ; d’autant que depuis plus de trois ans, un processus de paix est en marche au Pays Basques et plus récemment aussi en Corse et que la question de la situation des prisonniers et prisonnières politiques est en tête des soucis des responsables politiques de la totalité de formations du Pays Basque, de Corse et des experts internationaux impliqués.
Cette décision va directement à l’encontre des dynamiques d’apaisement que les responsables politiques locaux de nos pays respectifs, la communauté internationale et nous mêmes tachons d’instaurer afin de parvenir à la résolution définitive du conflit.
En définitive, en agissant de la sorte, la prison montre une irresponsabilité qui implique de graves conséquences pour nous, pour nos proches et la situation politique dans nos processus de paix.
Nous vous demandons d’intervenir afin de faire revenir la direction de la prison sur ces décisions et de s’en tenir aux accords établis par sa propre autorité avec nos porte-paroles en ce qui concerne les parloirs prolongés.
Etant donnée que cette agression aux accords s’est produite subitement nous répondrons avec des protestations, à commencer par un refus de plateau à partir du 1er juin 2015.
Bien entendu, nous porterons cette agression à la connaissance de tous les acteurs impliqués autour de nous et du processus de paix, autant au Pays Basque qu’en Corse.
Si la situation perdure, il est clair que nous envisagerons des modes de protestations – pacifiques- plus radicales.
Confiant que votre rapide intervention pourra éviter de plus importantes injustices et souffrances, veuillez recevoir, Madame Taubira, l’expression de nos plus cordiales Salutations.
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