Luis Fernando Sotelo, étudiant âgé de 20 ans, adhérent à la Sixième Déclaration zapatiste, a été arrêté le 5 novembre 2014 suite aux manifestations et aux actions pour la présentation en vie des 43 étudiants disparus depuis le 26 septembre 2014. Le juge a signifié sa mise en détention préventive pour les délits d’attaques à la paix publique [délit qui est pénalement du même type que le délit de terrorisme], d’attaques aux voies de communication et de dégradations (d’une station de Tramway, d’un distributeur de titres de transport et de caméras de surveillance). Quatre entreprises privées et le gouvernement de la Ville de Mexico, demandent à Sotelo de payer une somme effrayante de 13 millions de pesos, l’équivalent de 685 700 euros de dommages et intérêts. Cela signifie que Fernando sera soumis à un procès judiciaire, qu’il devra affronter enfermé dans la prison préventive Sud de la ville de Mexico. À présent, les avocats solidaires et la famille mènent une lutte acharnée et ardue contre le système judiciaire.
Lettre de Fernando Sotelo : « Jusqu’à ce que nous soyons toutes et tous libres ! »
Salut à toutes et à tous les compagnonnes et compagnons organisé-e-s autour de cette rencontre [mobilisations internationales intitulées : « Jusqu’à ce que nous soyons tous et toutes libres » ] et dans d’autres encore, qui brisent l’imposition de cette « réalité »… Je vous salue avec la joie de savoir que vous lisez ces mots, là-bas dans d’autres endroits lointains où la rébellion s’organise.
À un peu plus d’un an de mon emprisonnement, j’aurais pu seulement m’exprimer du point de vue de la « justice » à laquelle ils me soumettent en raison de ma présumée « délinquance ». Cependant la prétendue leçon donnée par l’appareil judiciaire et ses serviteurs (juges, commissariats, policiers, matons) est beaucoup plus vaste. Il faut vivre dans une prison de la ville de Mexico pour se rendre compte d’une réalité pourrie et très similaire à la liberté relative que vit la société du dehors. En tant que prisonnier, ils m’ont séparé de la population et je survis relativement et meurs par lassitude. Dehors, c’est pareil. Je vis la violence systématique des matons et celle de la classe « délinquante » qui, au final, n’est que la reproduction de la merde de là-haut. Malgré tout cela, la solidarité ne disparaît pas, car elle est une option nécessaire et souhaitable.
Chaque argument défendu par le maton, pour justifier sa corruption et sa médiocrité, avec des mots « d’ordre social » contre le prisonnier, laisse voir l’incohérence de son éthique. Une éthique promue dans des relations « officielles » entre le maton et le prisonnier-e. Avec la capacité d’exploiter les prisonnier-e-s dans un ordre économique qui inclut les déshérités à cette participation. Le truc c’est que s’ils participent, ils le font en jouant le rôle du consommateur moderne- tel un spectateur - et le spectacle se joue sur la même scène que celle où agit le gouvernement « comme il se doit », « justement », « normalement » sur demande de la société ou, au mieux, en veillant aux intérêts de celle-ci.
Avec mon emprisonnement, ils m’obligent à vivre dans un miroir du monde-global (comme système social) représenté par ceux qui s’acquittent de leur tâche au prétexte que c’est à eux que l’on a délégué le problème de la délinquance. On dit aux gens que rendre la justice est un métier ; or ce métier ne s’exerce pas avec la conviction d’en finir avec l’inégalité, bien au contraire : on oublie cette prétendue qualité de ce qui est juste et on la vide ainsi de son humanité. Finalement, on remplit les vides laissés par l’absence de conviction au moyen de subterfuges destinés à encenser et renforcer les liens avec l’état de droit, pour :
1.-Restreindre a priori le champ de la « liberté » au choix d’être exploité par telle ou telle autre entreprise ou bureaucratie …être libre d’aimer l’esclavage au travail aliéné, être libre de remplir tous les vides que nous avons (puisque à l’intérieur de chacun se reproduit aussi le consumérisme) de produits tout aussi vides.
2.-Violenter avec les moyens officiels (ministères, juges, policiers, médias commerciaux) ceux et celles qui dénoncent la réalité de l’état actuel de cette parcelle de pouvoir capitaliste.
Accepter la délégation des problèmes sociaux aux institutions gouvernementales, c’est être complice du pillage massif dont celles-ci se nourrissent. Pour comprendre cette situation, il faut accepter que l’usage de la force, de l’économie et de la « qualité de vie » ont toujours été des instruments à disposition des institutions afin de rendre les populations indifférentes et apathiques.
Si nous ne comprenons pas que l’État mène une guerre sociale pour nous anéantir, nous resterons dans le rôle de victimes. En revanche, si nous réussissons à nous défaire de cette carcasse de victime, nous pourrons peut-être relever le défi de créer quelque chose qui en finisse avec cette civilisation pourrie qui nous a créés. La solution ne vient pas de celui qui opprime. Ce système institutionnel pourri est le leur, ce n’est pas le nôtre, ce n’est pas celui de nous toutes et tous.
Organisons la rage pour défendre la vie !
Depuis la prison préventive masculine du Sud de la ville de Mexico.
Luis Fernando Sotelo
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