La décision concernant la libération conditionnelle de Lorentxa Guimon sera rendue le 25 février prochain. Sa libération était accordée le 24 novembre dernier mais le procureur avait fait appel. Olivier Pedro-Jose, porte-parole de la Chancellerie, précise que le volet politique n’intervient pas dans cette affaire.
Interrogé sur le cas de Lorentxa Guimon, Olivier Pedro-Jose, porte-parole de la Chancellerie, rappelle que « la loi du 25 juillet 2013* interdit au garde des Sceaux de donner des instructions aux parquets dans les affaires individuelles ». L’affaire Lorentxa Guimon est donc pour le ministre « une affaire individuelle » et il n’intervient pas.
C’est pourtant un raisonnement commun et systématique qui s’applique dans les réquisitions portant sur la libération conditionnelle des détenus basques. Le procureur exige une « remise en cause des faits ». Lorentxa Guimon, comme tous les détenus, précise que « le processus de résolution du conflit est engagé, dans lequel elle s’inscrit pleinement et qu’ETA a déposé les armes ». Pour le parquet, cela ne suffit pas. Les détenus suivent la stratégie d’ETA et si l’organisation venait à reprendre la lutte armée, le risque de récidive serait trop grand.
Force est de constater qu’une dimension collective s’applique donc à ces « affaires individuelles ». Or, la loi n’interdit pas de donner des consignes d’ordre général aux procureurs. Rachida Dati déclarait en 2007 : « Je suis chef du parquet, ça veut dire quoi ? Je suis chef des procureurs, ils sont là pour appliquer la loi et une politique pénale ». Ce fut également une formule utilisée par le ministre de la Justice Pascal Clément et couramment reprise en faculté de droit pour expliquer l’ambiguïté de la fonction de « proc ». Magistrat représentant le peuple, il bénéficie du principe d’indépendance tout en étant soumis à l’autorité de la garde des Sceaux.
Christiane Taubira s’était publiquement opposée à cette pratique de « consignes », prônant un procureur entièrement indépendant. Son successeur Jean-Jacques Urvoas va-t-il suivre cette ligne ? Il refuse pour l’instant de répondre à cette question. Quoi qu’il en soit, les procureurs, comme les juges restent maîtres de leur décision. Celle du 25 février concernant Lorentxa Guimon n’échappe pas à la règle.
Cette dernière était réincarcérée le 8 février après avoir été hospitalisée en urgence pour la troisième fois depuis décembre. Des mobilisations de soutien sont organisées (voir article associé).
*L’article 30 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 30.-Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.
« A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales.
« Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles.
Ce qui n’était qu’une « affaire individuelle » relevant de la justice il y a quinze jours aura finalement été traité « avec la plus grande attention » à la Chancellerie. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux depuis la démission de Christiane Taubira, revient sur la détenue « Madame Guimon ».
Après les sollicitations de nombreux députés l’alertant sur l’état de santé de Lorentxa Guimon, Jean-Jacques Urvoas, nouveau garde des Sceaux, sera finalement sorti de sa réserve.
Sa réponse est la suivante. Elle est « précise, circonstanciée et sera faite en substance aux différents députés qui [l’]ont interpellé » (texte complet ci-joint).
Dans un premier temps, il reconnaît la « prise en charge médicale étroite » nécessitée par sa maladie ainsi que les difficultés inhérentes à cette prise en charge fin novembre « lors de la constitution d’escortes ».
Il précise ensuite que le chef d’établissement « a réorganisé les modalités d’extraction de l’intéressée dès la mi-décembre et [qu’]il est désormais en mesure de réaliser en toute autonomie les escortes nécessaires à la prise en charge de Madame Guimon ».
« L’expertise diligentée dans le cadre de sa demande de libération conditionnelle déclare l’état de la détenue compatible avec sa détention au sein de cet établissement », ajoute-t-il.
Lésions irréversibles
L’avocate de Lorentxa Guimon, Maître Paulus-Basurco concède une prise de conscience récente sur l’état de santé de sa cliente de la part de l’Administration pénitentière. Pour autant, elle relève : « Ce que dit Jean-Jacques Urvoas est inexact. L’expert a été diligenté en août. Il a mis en garde sur une prise en charge non adaptée en cas de complications. Or, c’est bien ce qu’il s’est produit à de nombreuses reprises en octobre, décembre et janvier. Quiconque connaît le système carcéral sait qu’une prise en charge immédiate comme le nécessite sa maladie est incompatible avec la détention. Les lésions provoquées par les nombreuses annulations d’extraction sont irréversibles ».
Par ailleurs, Jean-Jacques Urvoas dit ne pas être informé de la question formulée par Sylviane Alaux et adressée au ministre de l’Intérieur ce jeudi concernant le rapprochement des prisonniers basques, ni de la réponse qui lui fût faite, cette dernière « ne relevant pas de ses prérogatives ». Il ne s’exprimera donc que sur le cas pour lequel il a été sollicité, celui d’une « détenue malade ».
Dans le même sens, Clotilde Valter répondait ce jeudi à Sylviane Alaux que « leur suivi, faut-il le rappeler, relève de la seule compétence de l’autorité judiciaire ». Or, l’autorité judiciaire n’est compétente que pour l’aménagement des peines. L’affectation et la prise en charge des détenus relèvent de la Chancellerie…
« Nous sommes dans une phase de découverte des dossiers », confiera ensuite l’équipe de J.J Urvoas. Comme le rapporte le journal Marianne, le nouveau garde des Sceaux a en effet recomposé entièrement son cabinet alors que les anciens conseillers de Christiane Taubira auraient broyé leurs archives en partant.
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