[OAXACA] Voix depuis la prison de Cuicatlán et d’Ixcotel
Infos/Juin 2016
« Dans la société marchande, totalitaire, dans laquelle nous vivons actuellement, les prisons sont remplies d’hommes et de femmes d’EN BAS, humbles et simples comme le sont les paysans, les indigènes, nos voisins, les jeunes des quartiers oubliés, les précaires, les travailleuses sexuelles, les employés en lutte, ceux qui protestent »
Álvaro Sebastián Ramírez
« Presqu’un an que je suis enfermé et je suis encore debout grâce à vos encouragements, vous qui connaissez ma situation juridique et les autres à qui je n’ai pas raconté que mes audiences sont régulièrement reportées à des dates ultérieures. Jusqu’à maintenant et depuis le mois de décembre dernier c’est la quatrième fois, pour différents motifs, mais à la fin les prétextes sont toujours les mêmes : manque de pièces et les juges se renvoient la balle »
Miguel Ángel Peralta Betanzos
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Miguel Ángel Peralta Betanzos est un jeune indigène mazatèque, anarchiste et membre de l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán de Flores Magón, Oaxaca. Le jeudi 30 avril 2015, vers 5 heures et demie de l’après-midi, Miguel, membre de l’Assemblée Communautaire, a été arrêté au centre-ville de Mexico. Cette arrestation a été perpétrée avec une grande violence par trois personnes en civil sans identification ni mandat d’arrêt, accompagnées de plus de vingt policiers. Toutes ces irrégularités concernant l’arrestation de Miguel constituent une attaque de plus contre l’Assemblée Communautaire d’Eloxochitlán, dans la continuité de celles qui ont été perpétrées depuis cinq ans par l’ex-président municipal qui siégea à la Présidence municipale après s’y être imposé de façon autoritaire, piétinant ainsi le système communautaire basé sur les « us et coutumes indigènes » dont l’Assemblée Générale est l’organe de prise de décisions en s’opposant aux partis politiques soutenus par les caciques locaux.
Lettre de Miguel Ángel Peralta Betanzos
Depuis la Cellule 2 couloir C
Maison d’Arrêt de Cuicatlán, Oaxaca.
Qu’est-ce que c’est le temps, quand, en prison, on en a trop ?
On danse avec l’ombre, on joue avec nos rêves et on rit
On marche sur la voute céleste
On pleure en silence
On est parfois morts en vie
On chante et on se révèle face à leurs murs et à leurs barreaux
On se nourrit des déchets que jette la société ; on les recycle
On aiguise nos sens.
On détruit tous les jours ce qui est en place, on dés-arme la réalité.
On s’énerve contre nos pensées et nos camarades, (mais) pas tous les jours
On marche sur la corde fragile du châtiment, on dessine des visages avec les nuages,
On s’efforce de rendre les jours plus légers et, par nécessité,
On regarde toujours le ciel, mais aussi là où on met les pieds,
On entend des voix, on discute avec elles et on aperçoit des visages dans l’obscurité
On apprécie le vol des oiseaux, on aime la vie, on se trouve toujours dans la salle d’attente,
D’attente de Justice, d’une visite ou de liberté ? Qui sait ?
On se languit des personnes que l’on aime, on y pense,
On s’endort avec la lune et on tombe amoureux de la liberté en attendant une nouvelle aube
Lutter, endurer, résister,
Saluts fraternels à ceux et celles qui se sont solidarisés cette année.
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11 lettres anti – carcérales
Le silence dans l’obscurité chante et danse la musique de
la liberté à tous les incarcérés…
L’eau coule, se gonfle et excite les grillons
qui se préparent à la révolte.
Les oiseaux dans leurs cages sortent de leur léthargie et
cessent de siffler pour toujours…
Le silence s’est rompu
Le bruit, la rage et la colère deviennent complices des sentiments
et prononcent lentement la sentence de l’écroulement de la pensée.
Miguel Peralta Betanzos
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Álvaro Sebastián Ramírez, âgé de 55 ans, est indigène zapotèque et adhérent à la Sexta zapatiste, il est originaire de la communauté indigène de Llano Maguey, municipalité de San Agustín Loxicha, district de Pochutla, État d’Oaxaca. Cela fait 18 ans qu’il est privé de sa liberté. Alvaro a été condamné à 27 ans de prison pour les délits d’homicide qualifié, tentative d’homicide, terrorisme et conspiration. Alvaro travaillait en tant qu’enseignant et il était aussi engagé dans sa communauté pour l’amélioration des conditions d’éducation et de vie en général, il a mené avec ses compagnons une lutte pour la défense de la terre contre les caciques et le gouvernement, il a toujours défendu la forme traditionnelle de gouvernement des Zapotèques, qui refuse l’ingérence des partis politiques grâce aux « us et coutumes ». Malgré l’enfermement, Alvaro Sebastián Ramírez, sa famille et ses compagnons mènent une lutte avec espoir et conviction pour sa libération.
Lettre depuis la Prison Centrale de Oaxaca, Mexique, 8 juin 2016 :
Aux compañeros, compañeras Les trois Passants,
A l’Espace Expérimental politique, social et culturel La Chapelle,
Au groupe Fandango Mano y Vuelta,
Aux adhérents et adhérentes de la Sexta en France,
A tous et toutes les Solidaires.10 juin 2016, neuvième anniversaire de la création du Réseau Contre la Répression et pour la Solidarité.
Je tiens à remercier l’espace qui m’est donné pour me permettre de participer avec mes paroles.
Je m’appelle Alvaro Sebastián Ramírez, je suis prisonnier politique et de conscience, originaire de la région de Oaxaca au Mexique.
Cela fait plus de 18 ans que je suis en prison, j’ai été victime d’enlèvement et torturé par l’État mexicain.
C’est depuis ma tranchée de lutte dans la Prison Centrale de Oaxaca que je vous envoie mes salutations fraternelles et combatives et une forte accolade pleine d’énergie à chacun de tous ces compañeros, compañeras qui participent et sont présentes à cette deuxième journée de solidarité avec les prisonnières en lutte au Mexique, qui se tient le 11 juin 2016 à Toulouse en France.
Dans la prison centrale de Oaxaca, ces derniers mois, le système pénitentiaire a encore restreint ses règles dans tous les domaines, limitant les visites des personnes qui ne sont pas de la famille, des amis des amies ; mettant des tas d’obstacles à la remise de matériel pour travailler ; distribuant une nourriture de très mauvaise qualité et en quantité insuffisante ; diminuant les médicaments pour que les médecins nous délivrent des ordonnances et que ce soient nos familles qui les achètent à l’extérieur ; nous mettant à l’isolement total pour nous détruire totalement physiquement et psychologiquement.
Je lance un appel car il est temps de nous rassembler avec tous les peuples du monde parce que nous avons tous les mêmes besoins d’être libérés de l’esclavage moderne qui nous asservit sur cette terre.
Depuis cette prison, j’envoie une digne, rebelle et solidaire embrassade à tous ceux et toutes celles qui sont présents à cette deuxième journée de solidarité des Prisonniers en Lutte.
Poursuivons nos efforts pour construire un monde meilleur.
Liberté pour Les Prisonniers Politiques !
Vive l’Espace Expérimental politique, social et culturel La Chapelle !
Vive le groupe Fandango Mano y Vuelta !
Vive le Réseau Contre la Répression et pour la Solidarité !
Vive l’Armée de Libération Zapatiste ! Vive l’EZLN !Álvaro Sebastián Ramírez
[Lettre lue et envoyée pour la Journée de Solidarité avec les prisonnier-e-s en lutte au Mexique organisée à Toulouse par les trois passants avec le soutien de la Chapelle, de l’atelier Fandango Mano y Vuelta et de copines et copains solidaires]
Traductions: Marion, Amparo et les trois passants / correction Val
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