Une manifestation est organisée samedi pour exiger la libération des détenus basques malades dont Ibon Fernandez Iradi gravement atteint d’une sclérose en plaques.
Samedi, une manifestation est organisée à Bayonne de la place des Basques, à 17h, pour exiger la libération du détenu basque Ibon Fernandez Iradi, incarcéré à Lannemezan. Gravement atteint d’une sclérose en plaques (maladie grave, dégénérative, incurable, chronique et progressive du système nerveux central), il ne bénéficie pas de soins adaptés et son état de santé ne cesse de s’aggraver. Une situation inhumaine et hors la loi. Le collectif de défense des droits des détenus basques, Bagoaz, tire la sonnette d’alarme, une nouvelle fois. Il faut frapper fort et mobiliser massivement. Le 24 novembre prochain, la demande de suspension de peine du prisonnier sera à nouveau étudiée. En juin dernier, l’arrêt rendu par la Cour de cassation de Paris a annulé la décision de la Cour d’appel rejetant la demande de suspension de sa peine. Sa demande sera étudiée par la Chambre d’application des peines, dans une nouvelle composition.
Début 2014, Ibon Fernandez Iradi demande la suspension de sa peine au juge d’application des peines, comme le prévoit la loi, pour combattre sa maladie et bénéficier de tous les soins et attention dont il a besoin, sur la base de la loi Kouchner de 2002, selon laquelle deux experts médicaux nommés par le juge doivent évaluer si la maladie dont souffre le détenu est compatible avec sa détention. Les premiers symptômes lui sont apparus en 2011, le diagnostic ne tombera que trois ans plus tard. “C’est très long, trop long, accuse Emilie Martin, membre de Bagoaz, nous avons déjà interpellé sur le cas d’Ibon, mais une fois de plus il faut une forte mobilisation. En détention, le suivi médical est très compliqué et inadapté”. “C’est une nouvelle occasion de demander la suspension de sa peine, c’est important. Le contexte est particulier car la Cour d’appel a rejeté sa demande en tenant compte de la troisième expertise. Or, elle dit que sa maladie et la détention sont compatibles à plusieurs conditions comme des examens réguliers et un suivi par un kinésithérapeute. La Cour a donc considéré que sa détention était compatible avec sa maladie sans même vérifier que les conditions nécessaires étaient remplies. La justice ne s’est basée que sur les conclusions. Cette fois nous aurons la chance réelle d’obtenir une étude sérieuse”, explique son avocate, Me Maritxu Paulus Basurco.
Dans un rapport, l’association de professionnels de la santé qui viennent en aide aux prisonniers basques malades Jaiki Hadi, dresse un tableau sans appel : “dans le cas d’Ibon Fernandez Iradi, nous nous trouvons face à une maladie grave et incurable qui produit une forte détérioration physique et psychologique sur la personne qui en souffre. Elle a une grande répercussion sur l’organisme, limitant fortement l’autonomie du patient tant par l’avancé de la maladie elle-même qu’à cause du contrôle strict qu’il faut mettre en place pour suivre le traitement dans tous ses aspects. (…) Pour une personne souffrant de cette maladie, l’importance des facteurs suivants est évidente : un entourage détendu, un éloignement des situations de stress et une alimentation variée et de qualité pour éviter l’apparition de nouvelles crises et une aggravation rapide de la qualité de vie du patient. (…) En conséquence, il est évident que la prison, par sa structure physique réglementaire et en raison des conditions de vie n’est pas un lieu adéquat pour faire face à une maladie qui présente ces caractéristiques. Un tel patient devrait résider dans un lieu adapté qui garantisse le traitement effectif de sa maladie, et protégé par son entourage affectif naturel ”.
Il n’est pourtant pas le seul. A ce jour, 358 prisonniers basques sont incarcérés dans des prisons françaises et espagnoles. Parmi eux, dix sont gravement malades : Josetxo Arizkuren Ruiz, Garikoitz Arruarte Santa, Jagoba Codó Callejo, Iñaki Etxeberria, Gorka Fraille Iturralde, Aitzol Gogorza Otaegi, Ibon Iparragirre, Jose Ramon Lopez de Abetxuko Likiano, Jesús Maria Martin Hernando et, donc, Ibon Fernandez Iradi. Sans parler des suicides, des détenus décédés en exil, en prison ou vite après leur libération. “Les situations sont extrêmes. Certains sont atteints du sida, de graves problèmes cardiaques, d’autres ont de lourdes maladies psychologiques. La prison rend les gens malades encore plus malades, pourtant ils pourraient être dehors”, souligne Emilie Martin.
Aide et soutien de l’extérieur
“Depuis toujours, chaque mobilisation est indispensable pour les détenus. Les professionnels de la santé le disent : la prison aggrave l’état de santé des malades. Ils savent qu’ils ont de l’aide dehors que des gens sont prêts à les aider, c’est important”, considère Fernando Arburua, membre de Jaiki Hadi et psychologue. Il explique que l’association a connu des difficultés pour venir en aide aux détenus. Certains n’obtenaient pas de droit de visite pour des “raisons de sécurité” : “il s’agissait de professionnels de santé engagés…” Et même si des médecins peuvent visiter des détenus malades, “ces mesures empêchent le bon déroulé d’une thérapie par exemple”. On se souvient de la libération conditionnelle de Lorentxa Guimon, atteinte de la maladie de Crohn, en mars dernier. Les mobilisations avaient été fortes et percutantes. Même si la décision a été un gros soulagement, les raccourcis sont périlleux : “il est difficile de faire un parallèle avec le cas d’Ibon pour plusieurs raisons. Elle a pu bénéficier de cette libération car la fin de sa peine était proche. Celle d’Ibon est lointaine. Au-delà de son état de santé qui est grave, d’autres éléments sont à prendre en compte. En ce qui concerne les autres détenus malades, il ne faut pas tirer de conséquence de la libération de Lorentxa Guimon”, prévient Me M. Paulus Basurco.
Une décision politique
“Comme le prévoit la loi, les détenus malades ont droit à la suspension de peine. Il faut que cesse l’application de mesures d’exception envers les détenus basques, il faut appliquer la loi. En tant qu’avocat et membre de la Ligue des droits de l’Homme, j’aurais du mal à vouloir influencer une décision de justice mais cette décision est politique et il faut le prendre en compte”, ajoute Christophe Desprez, de la Ligue des Droits de l’Homme Pays Basque. Dans un communiqué, le syndicat LAB appelle les travailleurs à prendre part à la manifestation et “exige de l’Etat français qu’il s’engage en faveur du processus de paix”.
Dans une interview accordée à Mediabask en avril dernier, Ibon Fernandez Iradi déclarait : “je voudrais dénoncer le comportement sournois que suppose le refus de ma suspension de peine. Ils savent pertinemment que la sclérose en plaques est une maladie incurable et qu’elle est neurodégénérative. En prison, les moyens pour se soigner sont minimes, et derrière les barreaux toutes les conditions pour que la maladie s’empire sont réunies”.
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