Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté livre un rapport accablant sur la maison d’arrêt pour hommes de Fresnes. Les pouvoirs publics ne prennent pourtant pas la mesure de la situation.
Un établissement plein à craquer, envahi par les rats et les punaises, où certains surveillants débordés ont systématisé l’usage de la violence. Telle est la réalité crue livrée par la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, après une visite de deux semaines début octobre. Ses recommandations ont été publiées en urgence au Journal officiel mercredi. Comme l’impose alors la procédure, Jean-Jacques Urvoas a fait valoir ses observations. « Il ne conteste pas la situation – ce qui aurait été difficile – mais je ne trouve pas ses réponses à la hauteur des enjeux évoqués », dénonce Adeline Hazan.
Le taux d’occupation de 202 % entraîne « des conditions de vie indignes »
« Dans les cellules, une fois déduite l’emprise des lits, des toilettes et de la table, trois personnes se partagent un espace d’à peine 6 m², bien inférieur aux normes fixées par le Comité européen de prévention de la torture (CPT) ». Les toilettes mal isolées, le délabrement de l’immobilier et l’hygiène déplorable rendent le confinement plus intolérable encore, est-il écrit.
Adeline Hazan demande entre autres mesures urgentes la suppression immédiate des encellulements à trois. Ce à quoi le ministre rétorque la construction de trois nouvelles maisons d’arrêt en Ile-de-Francee d’ici cinq ou dix ans … rappelant le programme immobilier pénitentiaire qu’il avait annoncé en septembre dernier, à Fresnes justement.
Un établissement infesté par les rats et de punaises de lit
« Les rats évoluent en masse au pied des bâtiments, dans les cours de promenade et aux abords des bâtiments (…) L’odeur persistante de leur pelage, de leurs excréments et de leurs cadavres, s’ajoute à celle des amas d’ordures qui jonchent le pied des bâtiments (…) Il arrive que l’on voie l’urine des rats s’écouler de faux plafonds ».
L’établissement est également infesté par les punaises de lit et le rapport fait part de 281 cas déclarés à l’unité sanitaire entre mars et octobre. Une situation connue par les autorités qui n’auraient pas pris les mesures adéquates. « Les protocoles de désinfection et de dératisation mis en place sont ponctuels, partiels et inefficaces ».
Le garde des sceaux assure que les choses sont aujourd’hui prises en main. Pour la dératisation, « une prestation exceptionnelle » confiée à une entreprise extérieure a démarré le 2 novembre, écrit-il. Quant aux punaises et cafards, il concède que les opérations de désinsectisation menées par des détenus spécialement formés ont été jugées « très insuffisantes ». Un marché pour tous les établissements d’Ile-de-France sera notifié en mars.
La violence institutionnalisée
Les surveillants pénitentiaires, en nombre insuffisant, ne sont pas en mesure d’assurer correctement leurs missions. « 70% de stagiaires gèrent une des prisons les plus difficiles de France », dénonce-t-elle. S’ensuit « un usage banalisé et immédiat de la force sans que la nécessité de son utilisation soit toujours avérée ». Exemple parmi d’autres, un des douze contrôleurs a vu « une personne détenue être immédiatement maîtrisée par la force, puis conduite au quartier disciplinaire dans une position douloureuse, alors même qu’elle ne se débattait pas. Un coup de pied lui a été asséné alors qu’elle était immobilisée. Le compte rendu d’incident, mentionnant une bousculade d’un surveillant par la personne détenue et un emploi strictement nécessaire de la force, ne correspondait pas aux images de vidéosurveillance ».
Dans sa réponse, Jean-Jacques Urvoas préfère mettre l’accent sur les violences commises à l’encontre du personnel, en stagnation depuis 2012 et en légère baisse depuis le début de l’année. Il invoque en outre la baisse des actes commis entre détenus.
Selon Adeline Hazan, la France s’expose à une possible condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme. Cinq détenus basques sont incarcérés à Fresnes : Ugaitz Errazkin Telleria, Xabier Goienetxea Iragorri, Oier Ibarguren Sarasola, Ekhiñe Eizagirre Zubiaurre et Iratxe Sorzabal Diaz.
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