Luis Fernando Sotelo, étudiant âgé de 22 ans, adhérent à la Sixième Déclaration zapatiste, a été arrêté le 5 novembre 2014 suite aux manifestations et aux actions pour la présentation en vie des 43 étudiants disparus depuis le 26 septembre 2014. Le juge a signifié sa mise en détention préventive pour les délits d’attaques à la paix publique [délit qui est pénalement du même type que le délit de terrorisme], d’attaques aux voies de communication et de dégradations (d’une station de Tramway, d’un distributeur de titres de transport et de caméras de surveillance). Après plus de deux ans de procès, notre compagnon Luis Fernando Sotelo a été condamné à 13 ans de prison et à
une amende de 519 815,25 pesos (26 000€).
Lettre de Luis Fernando Sotelo, depuis la prison sud – juin 2017:
Aux personnes conscientes, aux collectifs qui mettent toute leur force pour démonter la réalité mécanisée.
A tous ceux qui comprennent que la vie est la vie et que le capitalisme est la mort.
A ceux qui m’ont accompagné depuis le premier jour de ma détention.
Et à ceux qui ont embrassé, empoigné les diverses formes d’exprimer le NON ! A l’emprisonnement et à celui de la liberté : salutations et abrazos à tous et à toutes.
Premièrement : Le lundi 3 juillet aura lieu un meeting à l’extérieur du Tribunal Deuxième chambre en Matière pénale, où se déroulera l’Appel de ma dernière sentence (décembre 2016 me condamnant à 13 ans et 15 jours) afin que pendant ces deux semaines convoquées, par leur présence, ceux qui se solidarisent et s’impliquent dans les procès du peuple organisé, puissent se manifester.
Pour ceux qui n’ont toujours pas décidé de participer à cette initiative je leur dis soyez attentifs malgré tout au résultat de ce procès et aux signes que la liberté envoie à l’ombre des Institutions, parce que les ombres remplissent la nuit et le jour est loin d’être d’un seul bloc, de même que la raison rutilante de l’État ne l’est pas davantage.
Malgré tout, je vous demande d’assister au meeting, qui est un outil pour faire pression dans la lutte contre les motifs pour lesquels on me punit, comme cela se fait depuis longtemps. Étant donné que le motif judiciaire n’est pas suffisant (celui qui m’a conduit en détention) pour être libre dehors de la prison ; parce que plus d’un juge, – dans mon cas comme dans d’autres – considère que la justice est une dame aux yeux bandés tenant dans la main gauche une épée et dans la droite un chien de garde, c’est ainsi qu’ils prétendent faire respecter leurs sentences. Et parce que même si la stabilité cohérente des lois de l’État dépend de ce que les acteurs judiciaires m’emprisonnent/m’absolvent; je sais aussi que la domination exercée par l’État ne garantit le bien-être de personne et n’a d’autre objectif que d’imposer son ordre par la force. C’est pourquoi j’en appelle à la solidarité pour mon cas, pour démentir l’impuissance antiétatique et anticapitaliste, car seule la force de ceux d’en bas peut me rendre libre.
Deuxièmement : quel que soit le résultat de mon appel, je vous demande de continuer à me soutenir aussi bien dans les sentiments que dans la pratique qui consiste à attaquer les différentes formes de domination.
Troisièmement : je veux partager avec vous ce que j’ai appris en tant que prisonnier, ce que m’a apporté cette expérience. J’ai appris que je suis libre pour m’assumer en tant qu’ennemi de la domination capitaliste.
– parce que je suis jeune
– parce que j’écoute de la musique et pas seulement de la musique commerciale
– parce que je ne vénère pas la richesse du riche
– parce que bien que n’étant pas zapatiste je suis adhérent à “Sexta” Sixième Déclaration de la forêt Lacandone
– parce que je n’accepte pas que l’État Mexicain criminalise en se servant de ma personne
– parce que je n’accepte pas ma punition sans auparavant me savoir en condition de guerre contre les entrepreneurs parasites de la Société Bourgeoise
– parce que je me suis retrouvé dans le surplus de ce modèle idéal et moderne de société de ces gouvernements officiels.
– parce que par mes paroles je cherche le respect des autres luttes anticapitalistes
– parce que sans être anarchiste je partage des idées avec l’anarchisme
– parce que marchant sur un chemin aussi étroit que celui du judiciaire, je ne me rends pas, je ne me vends pas, je ne lâche rien.
– parce qu’il est plus que possible et probable que je rêve à d’autres chemins pour la libération des peuples
– parce que je cherche à me faire entendre et à me rendre visible loin des moyens de communication vendus et de désinformation, chez lesquels je figure comme ennemi du bien commun
– parce que je crois chaque jour un peu moins que ma nature dépend de critères civilisés mais qu’elle dépend par contre beaucoup plus de mes envies profondes de créer, aussi bien que de mes envies de détruire ce qui nous est imposé
– parce que sans appartenir à aucun parti, je réfléchis à la politique utilitariste de ceux d’en haut de là où je vis
– parce que je préfère voir une tempête dans le ciel plutôt qu’une télé-novela à l’échelle nationale
– parce que je reconnais que la lutte n’existe pas seulement à l’extérieur de moi, mais que je peux aussi la nourrir de l’intérieur
Aujourd’hui je suis un ennemi des structures capitalistes. C’est pour cela que mes ennemis à travers la prison et leurs sentences démesurées tentent inutilement de faire en sorte que leurs ennemis potentiels de demain ne se rebellent pas. Après tout, la revanche contre la prison ne concerne pas que moi.
Mon plus sincère Amour et ma plus sincère Gratitude aux compagnons.
Luis Fernando Sotelo Zambrano
Juin 2017
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Traduction Amparo, Les trois passants / correction Lucio
Plus d’infos + fanzine : écrits de prison, sur :
https://liberonsles.wordpress.com/2017/07/17/ville-de-mexico-lettre-de-luis-fernando-sotelo-depuis-la-prison-sud/
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