Source : Mediabask
La mobilisation du 9 décembre commence maintenant
Les Artisans de la paix ont livré plus de détails sur la journée du 9 décembre ainsi que le calendrier des actions prévues d’ici là.
Leur objectif ? Continuer à nourrir la dynamique qui a permis à la société civile de désarmer l’organisation ETA pour obtenir des avancées de l’État français sur les droits des prisonniers basques. « On ne doit pas laisser de nouveaux drames refermer cette parenthèse d’espoir. » Au même titre qu’il y a eu un avant et un après l’opération de Louhossoa, en décembre 2016, les Artisans de la paix souhaitent un avant et un après le 9 décembre. « Ce n’est pas une manifestation symbolique de plus » ont-ils insisté. Mais pour changer la situation des prisonniers « vraiment » et « maintenant ».
Des actions seront menées d’ici le 9 décembre. Deux jours avant, les Artisans de la paix prendront le relais du tour des prisons annoncé cette semaine par Etxerat, Bagoaz et Sare. Une marche sera organisée de la maison d’arrêt de Réau à celle de Fleury-Mérogis, le jeudi 7 décembre. Puis elle rejoindra la prison de Fresnes le vendredi 8. Enfin, les marcheurs partiront de cet établissement pénitentiaire le samedi 9 décembre afin de se rendre sur le lieu de la mobilisation, à Paris.
Les Artisans de la paix ont également annoncé « une mobilisation de tous les instants », dès à présent, dans tout le Pays Basque. Au Nord, des réseaux sont en train d’être développés « dans chaque ville, dans chaque village ». Et ils comptent aussi sur une mobilisation du Sud.
Détails de la journée
Le lieu exact de la mobilisation de Paris n’est pas encore connu. « Txetx » a indiqué que les Artisans de la paix étaient encore en négociation avec les autorités françaises afin de définir le parcours qui devrait être communiqué mi-octobre. Ce qui est sûr, en revanche, c’est son horaire. La mobilisation débutera à midi et devrait se terminer à 15 heures. Un camion, équipé de sono, circulera. « Tous ceux qui animent la scène culturelle du Pays Basque » sont invités à s’y produire. Un train de 1 000 places montera à Paris. Les billets seront mis en vente les semaines à venir.
L’enjeu est de taille. « On a une vraie obligation de réussite » a souligné Jean-Noël Etxheverry. Pour lui, « cette bataille n’est pas gagnée » mais « tout est en place pour la gagner ». Et les élus du Pays Basque vont aussi y jouer un rôle. Certains ont commencé en juillet dernier : une délégation d’élus de tous bords s’était rendue à Paris pour aborder la question des prisonniers basques avec des représentants des plus hautes sphères de l’État français.
Une motion a été adoptée à l’unanimité par la Communauté d’agglomération Pays Basque le 23 septembre dernier (voir ci-dessous). Dans celle-ci, la CAPB se joint à l’appel des Artisans de la paix à la mobilisation. Son président, Jean-René Etchegaray, doit la présenter à la ministre de la Justice ce mois-ci.
Fait « assez exceptionnel », a souligné « Txetx », la question des prisonniers a été abordé par le Parlement européen ce jeudi (voire associé). Pour la première fois, il a condamné la politique d’éloignement pratiquée par certains de ses États membres, sans les citer.
Jean-Noël Etcheverry : Ce sont des mesures que nous devons arracher en urgence
La journée en faveur du processus de paix organisée à Louhossoa samedi dernier a donné le départ à une longue campagne. La dynamique “Et maintenant les prisonniers” se terminera avec une manifestation à Paris, où se trouve la clé des prisons. Son objectif : régler au plus vite la question des prisonniers basques sur le territoire français. Après le désarmement d’ETA, la balle est dans le camp des Etats impliqués dans la conflit basque. Jean-Noël Etcheverry “Txetx”, artisan de la première opération du 16 décembre 2016 à Louhossoa, ne voit pas de signaux suffisants pour dire que les choses ont changé, mais oui pour dire que les choses peuvent changer.
Trois personnes avaient pris officiellement la responsabilité de l’action de Louhossoa. Qui sont les Artisans de la Paix aujourd’hui ?
Jean-Noël Etcheverry : En mars dernier, un groupe d’une cinquantaine de personnalités de toutes sensibilités s’était formé : élus, syndicalistes, militants associatifs, artistes. Ils avaient donné une conférence de presse pour appeler au 8 avril. Aujourd’hui, il est chargé de valider les grandes décisions stratégiques. Il avait notamment décidé que les Artisans de la paix devaient continuer après le 8 avril. D’une part, il s’est donné comme objectif de réaliser un travail de bilan et d’information. D’autre part, un groupe s’est formé pour réfléchir sur la question des victimes, un thème qui est abordé en Hegoalde mais pas ici. Notre troisième grand axe est la campagne à la fois de plaidoyer, de lobby, et de mobilisation auprès du gouvernement français pour obtenir au plus vite la fin du régime d’exception dont souffrent les prisonniers politiques basques. Evidemment, cette campagne vise ceux incarcérés en France, mais en espérant que cela ait un effet de ricochet dans l’Etat espagnol. En tout cas, que cela rende de plus en plus compliqué le maintien d’une position immobiliste par le gouvernement espagnol.
Pourquoi la campagne “Et maintenant les prisonniers” aujourd’hui ?
J.-N.E : Les Artisans de la paix ont obtenu un geste majeur de l’organisation ETA, qui est le démantèlement de tout son arsenal, et aujourd’hui, on attend un geste des Etats. Selon nous, les possibilités sont réelles. Pour la première fois, depuis très longtemps, après Louhossoa, le gouvernement français a emprunté une voie autonome de celle du gouvernement espagnol, et a décidé par lui-même comment il allait gérer cette partie du dossier basque, celle du désarmement. Il a clairement décidé de permettre que les choses se déroulent bien. Ce qui a donné le 8 avril, sans incidences, sans arrestations.
Il a laissé faire ou il s’est impliqué dans le processus de désarmement ?
J.-N.E : J’en reste à ce qu’on peut observer de l’extérieur : il n’y a pas eu d’arrestation, ni avant, ni pendant le 8 avril, il y a eu des déclarations claires de la part de Jean-Marc Ayrault et du Premier ministre qui disaient qu’on ne pouvait pas empêcher le désarmement et qu’il fallait que chacun y contribue, et également les réactions dans l’après-midi du 8 avril de la part du nouveau ministre de l’Intérieur. On voit bien un changement de tonalité très fort. Nous pensons donc que le gouvernement français peut avoir compris qu’en jouant sa propre partition, il aide les choses à bien évoluer et laisse instaurer une situation de dialogue et de paix globale et durable au Pays Basque. Quelques signaux peuvent être interprétés comme participant à une telle évolution comme l’argumentaire du juge qui a ordonné la libération d’Oier Gomez. Son état de santé justifiait sa mise en liberté bien avant, mais le juge s’est également référé au nouveau contexte provoqué par le désarmement de l’organisation ETA. Ce ne sont pas des signaux suffisants pour dire que les choses ont changé, mais oui pour dire que les choses peuvent changer.
Quelles mesures attendez-vous de l’Etat dans l’immédiat ?
J.-N.E : La fin du statut des DPS, le rapprochement des détenus basques incarcérés en France, la libération de prisonniers malades ou de ceux qui s’approchent de la fin de leur peine seraient des avancées très importantes. Ce sont des mesures que nous devons arracher en urgence, pas dans 6-9 mois, mais maintenant. Comme l’ont dit le 23 septembre l’ensemble des élus de la CAPB réunis en conseil communautaire, ces mesures urgentes s’inscrivent dans la perspective du règlement global et définitif du dossier des prisonniers. Personne ne peut imaginer que l’on puisse construire une paix durable et les bases d’un nouveaux vivre-ensemble si on laisse des centaines de prisonniers des dizaines d’années supplémentaires dans les prisons. Il faut également trouver une solution à la situation des exilés.
Le désarmement s’est fait avec un gouvernement socialiste qui a brillé par son immobilisme pendant cinq ans puis a été placé devant le fait accompli. Difficile de mettre devant le fait accompli l’actuel gouvernement sur la question des prisonniers… Quels sont les leviers pour la résoudre ?
J.-N.E : La situation créée par le désarmement et la manière dont cela a été fait engendrent vraiment une situation nouvelle devant laquelle le nouveau gouvernement français ne peut pas rester sans réagir. D’autant plus dans une situation où il y a pleins de facteurs potentiels de tensions. Nous avons affaire à des centaines de prisonniers qui pour certains sont depuis des décennies incarcérés, sont usés par les situations extrêmes dans lesquelles ils ont été incarcérés, par des grèves de la faim… Ce n’est pas un hasard si on assiste à tant de morts en prison, des personnes de 46 ans qui font des infarctus, qui développent des maladies graves. Nous sommes dans une situation où hélas, si on laisse du temps au temps, on va se retrouver inévitablement avec de nouveaux drames. Après ce qui s’est passé le 8 avril, la population de ce pays attend des gestes en face. Forcément, il serait difficile de comprendre que ces gestes n’arrivent pas et que de nouveaux drames viennent fermer une parenthèse d’espoir. Par ailleurs, l’unanimité avec laquelle est portée au Pays Basque Nord cette revendication – que ce soit lors du dernier vote du conseil communautaire, les 700 élus qui avaient pris position après Louhossoa ou la composition de la délégation qui est montée à Paris rencontrer les représentants d’institutions – est une force énorme. Il y a également notre capacité à nous mobiliser jusqu’à Paris. Le 9 décembre, ce n’est pas une manifestation de plus. C’est un événement. Il va avoir un rôle important dans un dispositif qui aujourd’hui est en place et dont l’ensemble des pièces doivent converger pour arracher dans les mois qui viennent un changement de situation. S’il y a un moment où il faut bouger, c’est maintenant.
Pourquoi se déplacer jusqu’à Paris le 9 décembre ? Il faut mobiliser énormément de personnes pour y être visible…
J.-N.E : Hélas, lorsqu’on rassemble 130 000 personnes dans les rues de Bilbo, ça fait trois lignes dans la presse nationale. Il faut vraiment être à Paris pour se faire entendre de la France. Par ailleurs, il s’est passé quelque chose d’important avec Louhossoa et le 8 avril, la presse nationale et l’opinion publique française ont entendu parler de cette histoire de désarmement. Maintenant, nous devons aller leur dire que d’autres pas restent à franchir pour obtenir une paix durable en Pays Basque. En plus, nous pensons que nous pouvons être des milliers le 9 décembre à Paris et que nous devons nous en donner les moyens.
Pour préparer ce rendez-vous, vous vous appuyez sur les mouvements structurés dans l’Hexagone. Avez-vous senti un changement dans leur disposition à s’impliquer après le désarmement ?
J.-N.E : Le premier changement, c’est que nous avons pu rencontrer la quasi-totalité des groupes parlementaires, dans des délais très courts. Il y a déjà eu deux réunions à Paris avec un ensemble d’organisations à la fois politiques, syndicales et associatives nationales françaises. Nous avons obtenu un appel à la manifestation du 9 décembre unitaire qui va être proposé à signature à la plupart des organisations politiques, syndicales, associatives et religieuses. Il s’agit d’un travail inhabituel qui rencontre pour l’instant des réponses très favorables.
Le 10 juillet, une délégation a rencontré à Paris plusieurs représentants d’institutions et s’est dite satisfaite. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
J.-N.E : Le ministère de la Justice nous a reçus, a compris le sens de notre démarche et a souhaité qu’un travail s’engage dans un esprit de dialogue. A partir de là, nous avons considéré qu’il y avait une écoute sérieuse de nos revendications et de nos demandes. Après, nous nous engageons à respecter toute la confidentialité que demande ce type de gestion.
Une manifestation à Paris, ça se prépare
La caravane de ville en ville. La manifestation du 9 décembre sera précédée d’une caravane d’information qui traversera, pendant trois semaines, plusieurs grandes villes françaises où sont incarcérés des prisonniers basques. Soirées d’information et rencontres avec les autorités pénitentiaires ainsi qu’avec les associations locales ponctueront les étapes. La caravane est organisée par les associations Bagoaz, Sare et Etxerat.
La marche de prison en prison. A partir du 7 décembre, une marche reliera différentes prisons de la région parisienne. Elle arrivera samedi matin, à 11 heures, à Paris.
La grande manifestation. La manifestation du 9 décembre organisée par les Artisans de la paix s’ébranlera depuis une place parisienne dont le nom est encore à confirmer, à partir de 11 heures. Le cortège sera animé par un grand camion sono sur plateau, sur lequel se produiront des artistes connus, français et basques. Vers 13 heures, des prises de parole et des témoignages mettront fin à la mobilisation.
La préparation. Pour organiser les événements à venir, une assemblée extraordinaire des Artisans de la paix aura lieu samedi 7 octobre à Louhossoa, à la salle Harri Xuri (9 heures). Elle est ouverte à tous ceux qui veulent donner un petit ou un grand coup de main à cette campagne. Pour ce qui est de la marche, les volontaires peuvent déjà s’inscrire auprès des Artisans de la paix et de Bake Bidea.
Transports. Pour s’y rendre, des bus et sans doute des trains seront spécialement affrétés pour l’occasion. Les réservations s’ouvriront dans les prochains jours.
Comments are closed.