Source : Mediabask
L’Artisan de la paix Michel Berhocoirigoin et le député Vincent Bru (membres de la délégation qui entretient le dialogue avec Paris) réagissent aux propos d’Hélène Davo, représentante de la garde des Sceaux chargée de suivre le dossier basque. Le 20 décembre 2018 MEDIABASK l’a rencontrée place Vendôme pour discuter du blocage actuel des discussions.
« Elle a le mérite de clarifier la situation », reconnaît Michel Berhocoirigoin. « On prend la mesure du travail qu’il nous reste à faire. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle dit que sa porte reste toujours ouverte. Quelque part, elle s’adresse à nous. C’est important, pour que l’on puisse se remettre autour de la table et renouer le fil de la discussion ». La porte reste ouverte, mais doit l’être « pour avancer », espère l’Artisan de la paix, « et pour que le dossier aussi reste ouvert. On ne peut pas ouvrir la porte pour s’entendre dire ‘On est à ‘l’os’, il n’y a plus rien à voir’ ».
« Je pense qu’effectivement, les ponts ne sont pas coupés », confirme Vincent Bru. « Simplement à la dernière réunion, il n’y a pas eu d’avancées. Donc on a estimé que c’était difficile de continuer à se voir si on n’était pas dans une démarche constructive. Il semblerait qu’aujourd’hui, madame Davo rappelle tout simplement qu’elle n’a jamais fermé les portes. Ce qui est vrai d’ailleurs. Nous verrons bien après la manifestation de samedi ce que l’on pourra discuter de très concret avec elle ».
Michel Berhocoirigoin sait que c’est « un sujet compliqué » et qu’ »il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour que cela se fasse. » Il souligne les avancées considérables obtenues en 2018. « Des obstacles qui paraissaient insurmontables ont été franchis. Ce qui a été fait nous oblige à poursuivre ce qu’il reste à faire ».
Le rapprochement, un droit et non un privilège
« Il faut que le droit soit respecté. Et le droit n’est pas dissociable, il n’est pas valable pour certains, et pas pour d’autres », martèle Michel Berhocoirigoin. « La revendication de l’application tout simplement du droit, non pas de privilèges mais du droit existant, à savoir le rapprochement des prisonniers et l’examen de leur situation lorsqu’ils sont en fin de peine, ou détenus depuis presque 30 ans, fait partie du droit commun, sans que cela ne porte atteinte à la situation des victimes de l’ETA », estime Vincent Bru. « Je ne vois pas en quoi c’est attentatoire au droit des victimes que quelqu’un soit incarcéré à Lannemezan ou à Mont-de-Marsan, plutôt qu’à 700 kilomètres ».
Dans ses propos, la représentante de la Justice française affirme que ce ne sont pas les associations de victimes qui font la politique pénitentiaire. Dans le même temps, elle confie qu’ »il y a des blessures liées à des personnes emblématiques. (…) On risque d’allumer des incendies en rapprochant des détenus comme Txeroki ou Karrera (NDLR : Garikoitz Aspiazu Rubina et Mikel Karrera Sarobe, incarcérés respectivement à Arles et Réau). Les associations de victimes ne pourront pas l’accepter ».
La première affirmation conforte l’Artisan de la paix, mais entre en contradiction avec la seconde : « Dans un État de droit, dire qu’on ne peut pas aller jusqu’au bout de la loi parce que les associations de victimes organiseraient des manifestations et mettraient la pression, n’est pas d’après moi la bonne réponse. Cela voudrait dire quoi ? On penche du côté de là où il y a de le plus de pression dans la rue ? Alors, on peut dire que s’il n’y a pas de rapprochements, il y a aussi la pression de la rue ».
Vers une nouvelle feuille de route
« Elle dit, et je pense que de notre côté aussi, que la confiance n’est pas rompue. Et il y a une volonté, il y a une confiance. Il faut l’alimenter » suggère Michel Berhocoirigoin. « Je pense qu’après la manifestation, il faudra reposer le principe d’une rencontre et remettre sur la table une feuille de route, un agenda ». Vincent Bru insiste : « Ce que l’on veut, c’est l’application du droit. Simplement. Ils sont soumis à un régime particulier, on souhaiterait qu’ils soient soumis au droit commun ».
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Des avancées malgré le blocage actuel
En une année depuis la mobilisation du 9 décembre 2017, des avancées se sont produites. Reste aujourd’hui à transformer l’essai sans haine ni humiliation pour chaque partie concernée.
Treize mois se sont écoulés depuis la manifestation organisée à Paris le 9 décembre 2017, rassemblant plus de 11 000 personnes en faveur des droits élementaires des prisonniers basques sous le slogan “Maintenant les prisonniers”.
17 janvier 2018
Sur les ondes de France Inter, Nicole Belloubet, ministre de la Justice, déclare que les rapprochements de prisonniers basques et corses se feraient “au cas par cas” et “dans le cadre du droit commun”.
26 février 2018
Zigor Garro Perez et Julen Mendizabal prisonniers basques ont été transférés, lundi 26 février, de Saint-Maur (Indre) et d’Osny (Val-d’Oise) vers le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan dans le cadre d’un premier rapprochement des prisonniers basques. Ces deux transferts marquent le début d’une série de rapprochements de prisonniers basques vers des établissements pénitentiaires du Sud-Ouest qui vont se succéder dans les prochains mois, précisait à l’époque l’administration pénitentiaire à l’AFP. Il y a un an, 56 prisonniers basques étaient répartis dans 19 centres pénitentiaires français, dont douze femmes sur trois lieux distincts. Trente-six sous le régime de Détenus particulièrement signalés (DPS).
Quelques mois plus tard, 25 prisonniers étaient rapprochés à Mont-de-Marsan ou Lannemezan, 22 des 36 statuts DPS ont été supprimés, trois hommes et deux femmes étaient libérés. Depuis juillet 2018, la situation n’a plus évolué même si les échanges ne sont pas rompus. Trois prisonniers sont toujours isolés et trois autres, après 29 années de réclusion, ont vu leurs demandes de libération conditionnelle refusées à plusieurs reprises.
3 et 4 mai 2018
Le 3 mai 2018, ETA annonce sa dissolution depuis Genève et le démantèlement de toutes ses structures par le biais d’un communiqué lu par Josu Urrutikoetxea et Marixol Iparragirre. Et ce, six années et demi après l’annonce de la fin définitive de la lutte armée le 20 octobre 2011. Le 4 mai 2018 a lieu à Cambo une rencontre internationale à Arnaga entérinant cette décision, en présence de nombreuses personnalités politiques et civiles de tous bords.
26 juillet 2018
Première visite officielle d’Emmanuel Macron dans l’Etat espagnol. Fin juin, il avait rencontré Pedro Sanchez à l’Élysée. Par ailleurs, un blocage se fait jour entre la délégation basque et le ministère de la Justice concernant la suite des rapprochements de prisonniers.
29 septembre 2018
Hélène Davo, directrice adjointe du cabinet du ministre de la justice chargée des discussions avec la délégation basque concernant le sort des prisonniers basques déclarait à l’agence EFE être “arrivée à un point d’équilibre que pour l’instant, nous n’allons pas modifier. A Mont-de-Marsan, il y a actuellement une concentration de prisonniers basques jamais vue, mais tout se passe bien. Si nous n’en transférons pas plus, c’est par solidarité avec l’Espagne et les victimes”. (voir p.8).
12 janvier 2019
Manifestation à Bayonne et Bilbo sous le slogan “Maintenant les prisonniers”.
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