Source: Mediabask
2019/10/10
Béatrice MOLLE-HARAN
Philosophiquement et humainement, veut-on d’une société ne laissant aucun espoir en enfermant un individu jusqu’à la fin de ses jours ?
« Entre quatre planches ». Une réflexion cruelle et logique car cette décision est une véritable peine de mort déguisée. Les arguments avancés par la Cour d’appel ne sont pas recevables. Comment imaginer qu’un homme, un militant dont l’ex organisation à laquelle il appartenait, et ayant proclamé un cessez-le-feu unilatéral puis sa dissolution, se remettrait à pratiquer la lutte armée à 66 ans passés ? Le propre sénateur Max Brisson (LR) constatait sur son compte twitter : « la libération conditionnelle de Xistor Haramboure refusée. Raison avancée : risque de reprise d’activité par ETA ! Les juges se décideront-ils un jour à changer de logiciel et à prendre en compte le nouveau contexte de paix en Pays Basque ? ».
Au-delà de cette décision se profile surtout une justice à deux vitesses. Et les prisonniers basques ne sont certes pas au-dessus des lois, ni en dessous non plus. Xistor Haranburu, condamné à la réclusion à perpétuité, était libérable depuis 2008, tel que le stipule la loi.
Si la peine de mort n’existe plus dans le Code pénal, la perpétuité non incompressible mais dont toutes les demandes de libération conditionnelle, c’est le cas pour Xistor Haranburu, se soldent par un rejet, s’apparente à une mort lente. L’ancien garde des Sceaux Robert Badinter rappelait que « guillotiner, ce n’est rien d’autre que de prendre un homme et le couper, vivant, en deux morceaux ». Une formule choc qui pourrait s’appliquer à de très longues peines de prison, tant aucun espoir n’est permis, aucune date de sortie fixée à un âge avancé.
Dans une lettre rendue publique en 2018, le propre Frederik Haranburu constatait que de fait, il était condamné à une mort certaine, de manière plus lente que la guillotine. La seule différence, remarquait-il, était que le législateur l’avait “déguisée hypocritement” afin que le commun des mortels ne le perçoive pas.
Politiquement, les mots ont un sens et les paroles du président Macron à Biarritz le 17 mai dernier considérant « que c’est un exemple, quand je regarde ces dernières années de résolution d’un conflit et de sortie des armes. Je pense que le devoir de l’Etat est d’accompagner le mouvement. Nous ne devons pas faire bégayer l’histoire, il faut l’accompagner ». Faisons nôtres ces paroles en instaurant un véritable rapport de force politique. En persuadant la société civile et les élus déjà fort mobilisés, que ce combat est déterminant pour l’avenir de ce territoire. Et se rappeler que le président Macron a le droit régalien de commuer les peines de prison.
La paix est un bien précieux, et ne nous leurrons pas, personne dans ce pays n’oublie les victimes de ce conflit, toutes les victimes. Droit de toutes les victimes à la vérité, à la justice, à la réparation sans discrimination. Arrêt de politiques pénitentiaires d’exception, construction d’une mémoire respectant tous les récits. Ce sont les préconisations du Forum social permanent travaillant depuis de nombreuses années sur ce thème.
Philosophiquement et humainement, veut-on d’une société ne laissant aucun espoir en enfermant un individu jusqu’à la fin de ses jours ? La réponse est non. Et doit être politique et globale pour l’ensemble des prisonniers basques.
Comments are closed.