Ce samedi 11 janvier en début d’après-midi, une foule aussi nombreuse que diverse est réunie, sous un ciel bleu et ensoleillé, à Bayonne. Il est 14 heures et bientôt, une manifestation convoquée par les Artisans de la Paix doit démarrer de Lauga. Elle a lieu sous le slogan « Maintenant les prisonniers ».
Après avoir mangé une paëlla à la place Patxa ou partagé un pique-nique assis au bord de l’eau, des petits groupes se dirigent vers le lieu de rendez-vous. Parmi eux, Michel Jorajuria d’Ascain est venu un makila à la main. « Les armes ont été déposées il y a presque 10 ans. Aujourd’hui j’ai un makila pour exiger le respect au Pays Basque ». Il parle de « paix », une paix qui passe « par le respect de l’identité, de la culture et par la résolution de la problématique des prisonniers ». Ils sont actuellement 243, dispersés dans les prisons françaises et espagnoles. « Certains sont gravement malades, d’autres sont libérables ». Il est urgent, d’après Michel, « de mettre un terme à cette problématique ».
Tout autour, des bénévoles sont identifiables grâce aux gilets bleus avec une main dessinée dessus. Jeunes pour la plupart, ils sont environ 200 à avoir répondu à l’appel des organisateurs pour assurer le bon déroulé de la manifestation. Parmi eux, Lauréna Haurat, doctorante en sociologie, explique sa présence : « je trouve cela important d’apporter sa pièce à l’édifice. C’est important de se mobiliser pour les prisonniers, et nous sommes là pour rappeler à Emmanuel Macron ses engagements ». Elle fait référence aux propos du Président français tenus le 17 mai 2019, à Biarritz : « Ne faisons pas bégayer l’Histoire ».
Lauréna Haurat, doctorante en sociologie. ©Nahia Garat
Cette même phrase est inscrite sur une banderole, tenue par dix jeunes. Ils sont lycéens, étudiants, sportifs de haut niveau, membre de mouvements divers dont Youth for climate, Hegalaldia, Azia. « Le gouvernement doit nous écouter. Il y a un sérieux problème avec les prisonniers. Nous voulons la résolution du conflit basque », explique Zibel Amestoy, 21 ans, danseuse professionnelle à Bilaka. A ses côtés, Aitzol Gil de San Vicente, fils d’anciens prisonniers basques, explique que des jeunes issus d’origines et de milieux différents sont réunis pour montrer leur « engagement avec le processus de paix et la résolution du conflit basque. « Nous sommes l’avenir du Pays Basque et notre rôle est de créer un avenir sans prisonnier politique basque », affirme-t-il.
Aitzol Gil de San Vicente, fils d’anciens prisonniers basques. ©Nahia Garat
Un peu plus loin, Ninon, originaire de Charente et habitant Hendaye, explique sa présence à la manifestation. « Quand on regarde ne serait-ce que les cartes où sont placés les prisonniers, il y a des choses qui sont aberrantes : certains sont emprisonnés depuis 30 ans, il y en a qui pourraient être libérés mais ne le sont pas. On est là pour dire qu’on n’est pas d’accord ». A ses côtés, Yoann tient un makila à la main : « il représente la volonté et la puissance avec laquelle il faut qu’on fasse respecter les promesses faites par les chefs d’Etat ».
Au son des cloches des joaldun, la foule s’écarte. C’est le son du départ de la manifestation. Bientôt, un cortège prendra forme. Suivant les pas des joaldun, douze tracteurs se mettent en marche. Ils sont suivis par les proches et familles des prisonniers basques. Ceux-ci portent un tissu géant de couleur bleu. Tout en tenant un bout, Ana explique que son fils est en prison depuis dix ans. « Après avoir été incarcéré dans dix prisons différentes de l’Etat français, il se trouve maintenant au centre pénitentiaire de Lannemezan ». Elle ajoute que « tant qu’il y aura des prisonniers, nous continuerons à manifester ». Hegoa Arakama, habitante de St-Michel, se trouve aussi parmi eux. Cela fait plus de 20 ans que son père est incarcéré. Il se trouve actuellement à Séville, à plus de 1 000 kilomètres du domicile de la famille de sa fille. Il est temps, d’après elle, que le gouvernement « passe des paroles aux actes » pour la résolution du conflit au Pays Basque.
Les proches et familles des prisonniers basques. ©Nahia Garat
A l’issue de la manifestation, devant la scène, la place de la République est pleine. Le soleil couchant, ils lèvent leurs bâtons et continuent de scander : « Presoak Etxera ! » (Les prisonniers à la maison, en basque).
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