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“Cela équivaut à une peine de mort à petit feu”

EuskalHerria 4 février 2020 Commentaires fermés sur “Cela équivaut à une peine de mort à petit feu”
Les avocates des prisonniers basques, Xantiana Cachenaut et Maritxu Paulus Basurco, sont en première ligne. Elles sont là pour recevoir les ordonnances des tribunaux, elles sont là pour les communiquer aux détenus et à leurs proches. Elles sont au plus près de la réalité judiciaire et humaine du conflit basque dans l’Etat français. Malgré des avancées dans certaines juridictions, elles constatent des positions immuables à certains niveaux dont les conséquences humanitaires peuvent être importantes.
Goizeder TABERNA|mediabask|
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Xantiana Cachenaut et Maritxu Paulus Basurco sont au plus près de la réalité judiciaire et humaine des prinonniers basques. © Guillaume FAUVEAU

MEDIABASK : Tribunal administratif, tribunal d’application des peines, juges d’instruction, à certains niveaux, l’appréciation des dossiers basques évolue favorablement ces derniers mois. Y a-t-il un raisonnement commun à tous ?

Xantiana Cachenaut (X.C) : Les décisions favorables tiennent toutes plus ou moins ouvertement compte du nouveau contexte. Nous ressentons, au niveau judiciaire, une évolution assez claire depuis deux ans dans les juridictions de jugement, plutôt en cours d’assises que dans les tribunaux correctionnels. Dans les dernières procédures, l’avocate générale reconnaissait l’évolution incontestable du contexte politique. Elle prenait acte du fait que c’était une évolution irréversible. En revanche, concernant le quantum des peines requises, nous n’avons pas senti de changement de sa part. Concernant les juges, nous voyons bien qu’il y a un intérêt croissant vis-à-vis de l’évolution politique et des condamnations globalement moins importantes. Au tribunal correctionnel, par contre, pas de changement, à l’exception du cas d’Iratxe Sorzabal et David Pla.

Concernant la phase d’instruction, les placements sous contrôle judiciaire et les assignations à résidence sous surveillance électronique, le changement est clairement visible dans certaines décisions. C’est probablement le domaine où la prise en compte du contexte est la plus palpable. Le risque de fuite et la récidive sont écartés.

Maritxu Paulus Basurco (M.P.B) : Les derniers retraits de statut de DPS* sont également intéressants. Pour la première fois, le ministère de la Justice fait référence au contexte, alors que pour les autres, il ne le faisait pas. Il y est dit : “Au regard de la dissolution le 3 mai 2018 de l’organisation d’ETA et de son engagement durable dans un processus de paix, au regard de la disparition des critères ayant motivé l’inscription et le maintien de l’intéressée ainsi que l’absence d’incident en détention”…

Des blocages importants persistent. Quels sont-ils et comment l’expliquez-vous ?

M.P.B : Au niveau du tribunal d’application des peines, au début, nous avons eu affaire à des décisions favorables qui ne faisaient pas mention du contexte. Ce n’est que récemment que nous commençons à la trouver pour justifier l’absence de risque de récidive. Après, mis à part le cas de Zigor Garro, le parquet a fait systématiquement appel. Dans le cas de demandes de libération conditionnelle, il considère que leur libération constitue un trouble à l’ordre public et il pointe le risque de renouvellement de l’infrac-tion. Les magistrats d’appel vont dans ce sens, parfois même au-delà. Nous avons l’impression que la position de la cour d’appel est encore plus stricte que du temps de la lutte armée. Le parquet fait appel, mais celui qui rejette la demande, c’est la cour d’appel.

X.C : Avant 2011, certaines demandes de libération conditionnelle étaient accordées. A partir de cette période, la porte se ferme peu à peu. Nous commençons à voir le refus systématique en appel. La dernière libération conditionnelle date de 2015, et elle a été acceptée pour motif de santé. La porte se ferme.

M.P.B : Avec une position de principe du parquet général qui s’oppose en déclarant clairement pendant l’audience : “peu importe que le dossier soit parfait”. Sa position dépasse le dossier. Le refus ne s’appuie pas sur des critères légaux, sur le contenu du dossier du demandeur. On peut se battre quand on nous oppose un argument concret, mais là, on peut proposer le mieux du mieux, qu’on aura un refus.

X.C : Nous avons souvent des rapports favorables de l’Administration pénitentiaire, d’intervenants travaillant au contact du détenu.

M.P.B : Nous avons même parfois des juges du lieu qui rendent des avis “très” favorables. Nous avons des prisons qui donnent des avis “hautement” favorables, des services de l’insertion et de la probation également dans des dispositions positives… Nous sommes dans une situation extra-ordinaire, tous ces éléments qui dans un débat “normal” aurait un poids essentiel ne sont pas pris en compte. Lorsqu’on en discute avec des personnes travaillant dans l’administration pénitentiaire, on nous dit que pour un droit commun, ce genre de dossier passe très bien.

L’intransigeance de la cour d’appel est-elle due à un contexte particulier dans l’Hexagone ou aux relations diplomatiques avec Madrid ?

X.C : C’est très difficile de répondre, car nous devrions rentrer dans la psyché des magistrats. Je pense tout de même que nous sommes confrontés à des magistrats qui ont des positions, en soit, extrémistes. Il y a une fixation faite principalement par deux de ces magistrats de la cour d’appel fondée sur des critères politiques. On en vient à se voir reprocher le fait que les détenus ne se distancient pas suffisamment de l’organisation ETA parce qu’ils disent qu’ils sont d’accord avec les décisions qu’elle a adoptées dans le cadre du processus de paix.

M.P.B : Ils vont même soutenir qu’une peine de perpétuité est une peine de prison à vie, alors que d’un point de vue juridique, ce n’est pas vrai. Cette position n’est absolument pas partagée par les juristes et elle est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. Soutenir cette position et la revendiquer à l’audience, c’est contraire aux principes fondamentaux du droit français. Le blocage vient aussi des juges.

Dans le cas des libérations conditionnelles, le maintien de l’ordre public est un argument pour opposer un refus. Sur quoi se base le parquet ?

M.P.B : Il le justifie par la gravité des faits et à l’impact que pourrait avoir leur libération sur les victimes. La question est de déterminer si la libération du détenu va provoquer de l’émoi. Là, nous sommes dans un débat extra-ordinaire, on amène des éléments qui ne sont pas rien, c’est-à-dire des motions de mairies, des attestations d’élus… des éléments concrets qui attestent du nouveau contexte d’apaisement que nous vivons. Malgré cela, on nous maintient que cela va causer un trouble à l’ordre public. Face à ce genre d’affirmation, on ne peut rien.

Une fois la demande de libération conditionnelle rejetée en second instance, y a-t-il une autre voie pour résoudre cette question ?

M.P.B : Il faut arriver à plusieurs refus, dans une période que la Cour européenne des droits de l’Homme considère suffisamment longue et que cette dernière soit convaincue de leur libération. Je pense qu’un jour, on doit bien pouvoir la saisir si on ne s’en sort pas avant, mais il faut prendre en compte que ces procédures peuvent prendre deux ou trois ans.

Pour l’instant, certains prisonniers ne veulent plus réitérer la demande.

M.P.B : Oui, effectivement. Il faut bien comprendre que cela coûte de le faire, ce n’est pas une question d’envie, mais de lourdeur des procédures. Dans le cas de Ion Kepa Parot, c’est après cinq demandes et cinq refus, dont trois après l’acceptation en première instance…

X.C : Pour saisir la Cour européenne des droits de l’Homme, il faut arriver à prouver que la possibilité de libération n’est que théorique, que dans la pratique, ce n’est pas la réalité. Il faut qu’il y ait une violation d’un des articles qu’elle protège, et après, elle ne rentre pas dans l’appréciation qui est faite par la juridiction de l’application de la peine.

M.P.B : Le temps qui passe est un argument supplémentaire pour la Cour européenne des droit de l’Homme, mais c’est aussi un élément qui se retourne contre le détenu, parce que plus le temps passe plus il vieillit. Nous avons donc un souci réel de personnes vieillissantes, avec pour certaines des problèmes de santé complexes.

Le procureur de Bayonne Vuelta-Simon disait qu’il avait tenu compte du contexte actuel pour émettre son avis sur des libérations conditionnelles. Mais que cela ne devait pas remettre en question une décision prise il y a 20 ans, alors qu’ETA tuait un policier par semaine. Qu’en dites-vous ?

X.C : C’est terrible, cela reflète une méconnaissance de ce qu’est l’application des peines. A un moment donné, les magistrats sont saisis pour juger des preuves d’une procédure pour des faits commis, c’est le moment de la condamnation. Cette juridiction prononce une peine en fonction des éléments qu’elle a à ce moment-là. Après cela, son rôle s’arrête-là. Puis une autre appréciation est faite par d’autres magistrats qui ne doivent pas s’attacher aux faits, mais au sens de la peine : punir et amender la personne. Cela doit se concevoir comme une possibilité de réadaptation dans la société. Nous sommes donc étonnées lorsque les magistrats ne se fondent que sur la gravité des faits, cela va à contre-courant avec la criminologie française.

M.P.B : Pour répondre à l’ancien procureur de Bayonne, les faits qui nous occupent ne remontent pas 20 ans en arrière, mais plus de 30 ans voire 40 ans. Par ailleurs, la cour d’Assises, en 1997, lorsqu’elle condamne [les prisonniers dont la peine est la plus longue], elle prévoit une peine de sûreté de 18 ans, c’est-à-dire qu’elle considère que leur libération est possible et envisageable à partir de 2008. Donc la position de ce procureur dépasse celle de la cour qui les a condamnés.

La question est bien plus profonde. Derrière tout cela, se dessine le débat sur la peine de mort. On ne prononce pas le mot, mais cela revient à dire que vu la gravité des faits, on ne leur accorde pas la libération. Ce n’est pas avec la guillotine, mais cela équivaut à une peine de mort à petit feu. Cette peine n’existe plus parce qu’on a estimé que toute personne avait la possibilité, à un moment donné, de se réadapter. Précisément, les personnes qui les côtoient nous disent que c’est le moment et qu’ils sont favorables à leur sortie. Avec ces affaires-là, on va à l’encontre de l’esprit de la Justice en France.

X.C : En principe, les juges se prononcent sur un dossier, sur des déclarations réalisées lors de l’audience, sur les dépositions de témoins, sur le contexte du moment. Qu’un magistrat en parle 20-30 ans après, sans connaître tout le dossier, c’est très grave. Cela révèle que même la magistrature est imprégnée par le contexte actuel, l’attitude de fermeture de l’opinion publique et le durcissement des principes.

M.P.B : Les gens pensent que les détenus doivent payer à tout prix. Nous sommes dans un débat de fond, on réveille plus le moi de chacun que le juriste. Le juge doit simplement appliquer des lois élaborées par le législateur, il n’a pas à donner un avis personnel. La société actuelle, il est vrai, n’est pas dans ça. Le plus invraisemblable, c’est que du côté espagnol, pour les mêmes faits, ces détenus** auraient eu une peine de 30 ans. Toutes les personnes condamnées à la même époque, avec des attentats qui ont fait beaucoup de victimes, sont dehors. Tout simplement libres, sans condition. Lorsqu’on nous dit que l’on doit assurer le maintien de l’ordre public aussi vis-à-vis de l’Espagne, les autorités françaises vont bien au-delà de ses exigences. On n’aurait pas imaginé cela il y a quelques années.

Dans les conflits, les victimes demandent justice et vérité. Est-ce que la justice permet de faire la lumière sur les faits, d’obtenir la vérité ?

X.C : La vérité judiciaire n’est pas forcément la vérité. C’est une vérité parmi d’autres.

M.P.B : Elle permet d’établir l’auteur des faits en fonction des éléments qu’ont les juges, elle ne va pas au-delà.

X.C : La victime a un statut particulier. Dans l’application des peines, elle ne peut pas intervenir comme partie. En revanche, il y a un représentant de l’association de victimes lors du débat. La victime doit être entendue, mais on ne peut pas se fonder uniquement sur son avis pour trancher. Quel que soit le délit, ce ne serait jamais assez.

M.P.B : Lorsqu’on assiste à des rencontres sur la réparation, c’est plus une réparation morale qu’attendent les victimes. Ce n’est pas de l’ordre de la justice. Les magistrats savent très bien que la victime n’est pas partie de l’application des peines.

On ne voit pas de changement significatif sur la question des détenus gravement malades… Est-ce que la suspension de peine est plus facile dans le cas des prisonniers de droit commun ?

M.P.B : Les demandes de suspension de peine sont des demandes très difficiles à obtenir, de façon générale. Tout simplement, parce qu’il s’agit de remettre en liberté soit des personnes dont le pronostic vital est engagé, c’était le cas d’Oier Gomez, soit des personnes dont l’état de santé est durablement incompatible avec la détention. C’est cette notion de “durablement incompatible” qui pose débat et qui rend les choses très compliquées.

Où en êtes-vous concernant le détenu atteint de sclérose en plaques Ibon Fernandez Iradi ?

M.P.B : Le tribunal d’application des peines a accepté la suspension de peine, mais le parquet a fait un appel suspensif et nous nous préparons pour l’audience à la chambre d’application des peines prévue le 13 janvier. Sa situation est compliquée d’autant que de tout évidence, autant à l’audience qu’à travers son appel, on voit qu’il y a une volonté de la part du parquet de ne pas accepter la suspension de sa peine.

* Détenu particulièrement signalé.

** Ion Kepa Parot, Frederik “Xistor” Haranburu, Jakes Esnal.

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