Source: Mediabask
Frederik “Xistor” Haranburu a quitté la prison de Lannemezan mardi 24 novembre. Après trente années derrière les barreaux, le Senpertar va purger la fin de sa peine chez lui, sous surveillance électronique.
Il est sorti de prison mais va rester enfermé. Frederik Haranburu, « Xistor », est rentré chez lui à Saint-Pée mardi 24 novembre. Arrêté et incarcéré en 1990, l’ancien membre du commando Argala condamné à la prison à perpétuité va purger la fin de sa peine en détention à domicile, entouré de ses proches, équipé d’un bracelet électronique.
Après avoir examiné le recours présenté par le procureur, la cour d’appel de Paris a décidé mardi 27 octobre d’accepter la troisième demande de liberté conditionnelle du Senpertar, contre l’avis du procureur. Le tribunal d’application des peines avait, en première instance, accepté la remise en liberté conditionnelle du prisonnier basque, suite à quoi le Parquet avait fait appel. Mais cette fois, les juges n’ont pas suivi le procureur qui demandait le maintien en détention d’Haranburu. C’est la première fois qu’une telle décision intervient dans un procès d’appel de remise en liberté conditionnelle.
Membre du commando itinérant d’ETA, Frederik Haranburu a été arrêté le 4 avril 1990 à Saint-Jean-de-Luz en même temps que Jakes Esnal. Ils étaient accusés d’avoir participé à une vingtaine d’attentats. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité le 19 juin 1997 par la Cour d’assises spéciale de Paris, le détenu basque est éligible à la libération conditionnelle depuis avril 2008.
Né le 9 mars 1954 à Biarritz, Frederik Haranburu passe ses toutes premières années de vie au quartier Bon Air. D’origine navarraise, il est nourri des récits des guerres carlistes, au cours desquelles des membres de sa famille ont été fusillés. Son père, homme de gauche, a été arrêté et torturé par la Gestapo. Rapidement, il déménage à Bayonne avec ses parents, qui ouvrent une épicerie rue Notre-Dame, en face de la cathédrale. (1)
Ses premiers contacts avec des membres d’ETA remontent aux années 1960, lors des mouvements de grève de la faim régulièrement organisés à la cathédrale de Bayonne. Le jeune Frederik fréquente les réfugiés, nombreux dans le centre de Bayonne, et se lie d’amitié avec eux. Il apprend le txistu et la danse. Comme beaucoup d’autres jeunes Basques engagés dans la lutte armée, Frederik n’a pas appris à parler le basque, et cherche par conséquent à se réapproprier son identité.
Au cœur du processus de paix
Unai Parot, Ion Kepa Parot, Frederik Haranburu et Jakes Esnal ont entamé en 2020 leur trentième année de détention, alors que ces deux derniers sont libérables depuis 2008 et Ion Parot depuis 2005. Au cours de ces dernières années, marquées notamment par la dissolution de l’organisation ETA en 2018, de nombreuses manifestations ont réclamé leur libération conditionnelle, au nom du processus de paix et de la résolution du conflit au Pays Basque, dont la question des longues peines et des prisonniers gravement malades est l’enjeu prioritaire.
(1) “Au cœur du conflit basque. Pourquoi des citoyens
du Pays Basque Nord ont-ils intégré l’ETA ?”, Giuliano Cavaterra, Mediabask, 2020.
« Il va lui falloir du temps pour prendre ses marques »
L’avocate de Frederik “Xistor” Haranburu raconte le tourbillon d’émotions provoquées par le retour du détenu à son domicile. Le Senpertar va maintenant devoir s’habituer à de nouvelles contraintes.
Frederik “Xistor” Haranburu est rentré chez lui. Même s’il est placé en détention à domicile avec bracelet électronique, son retour est un signe fort dans la résolution du conflit au Pays Basque. « Nous voulons croire que cette décision judiciaire traduit un changement du regard de la justice française sur le processus de paix engagé depuis 2011 au Pays Basque », a formulé le mouvement Bake Bidea dans un communiqué de presse. De son côté, le mouvement politique EH Bai a adressé son « soutien amical » à Xistor et à ses proches. « C’est un pas important dans la mobilisation populaire, plurielle et diverse du Pays Basque en faveur de la construction d’une paix durable. Cette libération conditionnelle est le fruit d’une mobilisation collective », souligne EH Bai. Pour Frederik Haranburu, c’est une nouvelle page de sa vie qui s’ouvre. Son avocate, Maritxu Paulus-Basurco, nous en dit davantage.
Comment s’est passé le retour de Xistor ?
Maritxu Paulus-Basurco : Ça a été surtout une journée organisée autour de cette nouvelle situation. Il est incarcéré à domicile, sous bracelet électronique. C’est une nouvelle étape, compliquée dans le sens où après 30 ans il faut se réhabituer à une nouvelle situation, avec de nouvelles contraintes, différentes. Après c’est une journée pleine d’émotions obligatoirement, avec le retour mine de rien dans un milieu libre, même s’il est incarcéré auprès de sa famille. Une journée très particulière.
Pouvez-vous décrire les émotions qu’il a ressenties ?
C’est très partagé. Je pense que c’est un peu tôt… C’est une journée où il y a eu beaucoup de choses. Heureux d’avoir retrouvé sa famille, ça c’est évident. Mais en même temps, 30 ans sont passés depuis son incarcération. Il va falloir s’habituer très vite à la technologie, parce que justement le placement sous bracelet électronique, c’est de la technologie. Cela demande de s’habituer à tout, d’un coup. Je pense qu’il va lui falloir du temps pour pouvoir prendre ses marques face à ces nouvelles contraintes tout en profitant de ces moments privilégiés avec sa famille.
Le bracelet électronique, il doit le porter tout le temps ?
Oui. C’est un système qu’il portera constamment pendant dix-huit mois. Il a des tranches horaires attribuées qui lui permettent de travailler et effectuer des achats de première nécessité.
Au bout de ces dix-huit mois, que se passera-t-il ?
C’est une période probatoire. Si tout s’est bien passé, il va être admis à la libération conditionnelle. Dans le cadre de cette libération conditionnelle, il aura des obligations pendant huit ans. Elles existent déjà en plus du bracelet, donc en tout ce sont neuf ans et demi d’obligations : ne faire aucune modification sans l’autorisation du juge, être suivi par un service d’insertion et de probation… Il a un certain nombre d’interdictions, notamment [celle] de voir un certain nombre de personnes, mais aussi au niveau des déplacements…
Après ces neuf ans et demi, il sera libre ?
Une fois qu’on aura terminé cette période d’obligation, il sera effectivement en liberté. C’est-à-dire concrètement quand il aura 75 ans.
Quel est son état de santé ?
On a un cadre médical complexe qui suppose des traitements. Il a des problèmes de santé multiples. Le confinement ne nous aide pas beaucoup mais bon, on va prendre le temps de faire le point et de mettre en place les différents traitements. Cela va demander du temps.
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