Déclaration à l’occasion du 25ème anniversaire de la libération de Mandela du Haut Comite International pour la libération de Marwan Barghouthi, jeudi 12 février 2015
Déclaration émanant de :
- Ahmed Kathrada, icone de la lutte anti-apartheid qui a passé 26 ans dans les geôles de l’apartheid, Fondateur de la campagne Free Mandela, et Fondateur du Haut Comite International pour la libération de Marwan Barghouthi et de tous les prisonniers palestiniens [1]
- Adolfo Perez Esquivel, Prix Nobel de la Paix, ancien prisonnier politique sous la dictature en Argentine, Membre du Haut Comite International pour la libération de Marwan Barghouthi et de tous les prisonniers palestiniens
Ce jour-là, il y a 25 ans, le monde découvrait enfin son sourire et son poing levé vers le ciel en signe de défi. Libre…enfin libre. La libération de Mandela marquait alors l’entrée dans une nouvelle ère, signifiant la fin prochaine de l’apartheid. Tout restait à accomplir, mais à travers la libération de Mandela et des prisonniers anti-apartheid, le gouvernement d’apartheid signifiait qu’il était prêt à entamer un dialogue sérieux menant à la liberté et à la paix, à la réconciliation et à la coexistence.
Alors que nous célébrons cet événement historique qui a transformé durablement la face de l’Afrique du Sud et du monde, nous gardons en mémoire le sort d’un autre symbole de la liberté, celui de Marwan Barghouthi. Le destin de Marwan ressemble étrangement à celui de Mandela. Eux deux furent à l’origine de la création d’une section dédiée à la jeunesse au sein de leurs mouvements politiques respectifs, acquérant leur légitimité par un activisme sur le terrain et un rôle central dans la constitution d’un soulèvement massif contre l’oppression. Eux deux étaient des leaders au moment de leur arrestation, et sont devenus des symboles nationaux et universels durant leur détention. Eux deux boycottèrent les tribunaux qui les jugèrent et plaidèrent le sort de leur peuple au détriment de leur sort individuel. Alors qu’ils soutinrent le droit de leur peuple à résister face à l’oppression, y compris par la lutte armée, eux deux plaidèrent fermement pour la résistance pacifique populaire pour parvenir à la liberté. Eux deux témoignèrent par ailleurs une formidable aptitude à rassembler et unifier leur peuple derrière eux, tout en engageant le dialogue avec l’autre.
Cette année marque le 25e anniversaire de la libération de Mandela – elle marque également la 20e année que Marwan passe derrière les barreaux, y compris les 13 dernières années consécutives. En octobre 2013, une campagne internationale a été lancée depuis la cellule de Nelson Mandela, à Robben Island, pour la libération de Marwan et de tous les prisonniers politiques palestiniens. À cette occasion, nous avons pris l’initiative de constituer un Comité International de Haut Niveau pour la libération de Marwan et de tous les prisonniers, ayant nous-mêmes en notre temps pu bénéficier de la solidarité internationale pour notre liberté et pour la liberté de nos compagnons de lutte. De telles campagnes internationales envoient un message fort : notre emprisonnement implique un coût significatif, tant politique que moral, pour les forces de l’oppression.
Lorsque nous évoquons la détention politique, l’exemple palestinien est sans équivoque le plus éloquent et le plus choquant de tous. 800 000 Palestiniens ont été emprisonnés, à un moment ou à un autre de leur vie. Beaucoup de Palestiniens ont passé plus de 25 ou 30 ans en prison. Personne n’est à l’abri : les enfants, les femmes, les députés et défenseurs des droits de l’homme continuent de croupir dans les geôles israéliennes.
La lutte anti-apartheid s’est érigée en symbole emblématique du combat pour la liberté et pour les droits de l’homme à travers le monde entier. L’apartheid fut considéré comme l’une des pires démonstrations de l’oppression et de l’injustice. Quel conflit peut aujourd’hui symboliser la lutte pour la liberté contre l’oppression, pour le droit contre la force, pour la justice contre l’impunité, mieux que la lutte palestinienne ? La politique coloniale et discriminatoire d’Israël, tant dans le territoire occupé qu’à l’intérieur de ses propres frontières, témoigne clairement d’un renouveau de l’apartheid, une perspective qu’aucun d’entre nous ne devrait tolérer.
En lançant la campagne pour la libération de Marwan et de tous les prisonniers politiques palestiniens, inspirée par la campagne Free Mandela, nous ne nous contentons pas seulement d’afficher une position ferme à l’égard de cette occupation et de ses conséquences sur le peuple palestinien – nous manifestons également notre entière conviction que la lutte palestinienne constitue la prolongation légitime de la lutte anti-apartheid et que la libération de Marwan et de tous les prisonniers palestiniens est le prélude indispensable à la libération du peuple palestinien.
Un jour, nous célébrerons la libération de Marwan. Et le monde découvrira son sourire et son poing levé en signe de défi qui se transformera en une main tendue, prête à empoigner le futur et à travailler à la réalisation de la paix dès qu’Israël aura manifesté son intention de mettre fin à l’occupation, et non de la renforcer. Toutes nos victoires sur l’oppression, le racisme, la discrimination, la ségrégation et l’apartheid doivent se rejoindre pour garantir le triomphe de la liberté et de la dignité en Palestine, et de la paix basée sur le droit international.
[1] Le Haut Comité International pour la libération de Marwan Barghouthi et de tous les prisonniers palestiniens regroupe des Prix Nobel de la Paix, d’anciens leaders politiques, des figures du mouvement pour les droits de l’Homme et d’anciens prisonniers politiques, y compris les signataires de ce texte et Angela Davis, l’icone de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, ainsi que feu U Win Tin, le leader de la lutte pour la liberté en Birmanie.
Comments are closed.