Depuis le 18 novembre les prisonniers basques incarcérés à la prison de Villepinte (93) sont au mitard pour demander des conditions dignes de détention. Ils nous ont fait parvenir une lettre d’information sur leur situation. Aujourd’hui, en soutien, famille et ami-es souhaitons apporter notre soutien et dénoncer cette situation lamentable en envoyant massivement une lettre à la Directrice de la prison et au Ministre de la Justice.
Modèles de lettres : EH_LettreVillepinte
Lettre des prisonniers politiques basques de Villepinte
Maison d’arrêt de Villepinte, décembre 2016
Kaixo Euskal Herria,
Par cette lettre , nous, Arkaitz Agirregabiria et Igor Uriarte, membres du Collectif des prisonnier-es politiques basques (EPPK) , incarcérés à la Maison d’Arrêt de Villepinte, souhaitons vous informer de notre situation carcérale. En effet, cela fait déjà un an suite à l’arrivée de la nouvelle Direction de Villepinte que nous subissons des attaques à nos droits fondamentaux. Dès leur arrivée , ils ont souhaité restreindre nos conditions de visite , que nos camarades incarcérés avaient obtenus par la lutte. Une fois de plus , c’est grace à la lutte que nous avons mené à l’intérieur de la prison ( refus de quitter la cellule, blocage, mitard), à la solidarité du Pays Basque notamment par un envoi massif de lettres que ces restrictions exigées par la Direction soient moins , et à maintenir des conditions de visites dignes. Cependant , ces restrictions des droits fondamentaux se sont poursuivies, affectant différents aspects de notre vie quotidienne, comme:
- La santé: ils nous ont supprimé les douches médicales. Ce certificat médical nous permettait une douche quotidienne, aujourd’hui réduite à trois fois par semaine. Nous avons de grandes difficultés pour obtenir des rendez-vous avec les différents spécialistes des services médicaux. On se demande où disparaissent nos courriers de sollicitation de rendez -vous?
- Les activités: les horaires des promenades ont été réduits (de 3 heures à 2h30) et de sport (de 4 heures à 3 heures maintenant). Refus d’accès à différentes installations et ressources (comme la Bibliothèque). Difficultés d’accès au Service scolaire, restriction d’activités…
- La communication extérieure: difficultés constantes d’accès à la cabine téléphonique du module, retard injustifié du courrier (de 10-15 jours à 5 semaines à 1 mois aujourd’hui).
- Le service de cantine: gestion et services déficients de l’entreprise GEPSA, absence de cantine extérieure, détérioration dans les quantités et qualités alimentaires, conditions d’hygiène déplorable lors de la distribution…
A cette liste il faut rajouter la dernière atteinte à nos conditions de vie, l’imposition de partager la cellule. Les Maisons d’Arrêts reçoivent essentiellement des personnes en détention préventive, n’ accomplissant pas de longues peines (1,2 ou 3ans ), on peut les définir comme des prisons de transit. En aucun cas, ces lieux n’ont été conçu pour maintenir en détention des personnes sur une longue durée. Cependant les prisonniers politiques basques y passons souvent de nombreuses années . Il est alors d’autant plus indispensable lorsque l’on passe 21 heures dans des cellules de même pas 9m², d’être seul pour un minimum de dignité.
Depuis les actions jihadistes perpétrées dans l’Etat français, cet Etat a profité de cette situation pour restreindre des droits et des libertés au nom de la sécurité. Ils font la guerre au delà de leurs frontières et assigne à la discipline la classe ouvrière à l’intérieur de leur pays par la restriction de ses droits. L’Etat de Droit s’est converti en Etat d’exception,dont la prison est le reflet.
Qualques chiffres représentatifs sur les prisons dans lequelles nous sommes en préventive: il y a 46.075 prisonniers pour une capacité de 33.263. Ceci est révélateur de la situation honteuse des prisons françaises, d’un pays qui se prétend être à l’origine de la Déclaration des Droits de l’Homme. L’Etat et ses geôliers n’ont aucun intérêt à mettre fin à cette situation. Les prisons sont devenus un véritable négoce public- privé. Plus il y a de prisonniers , plus il y a de bénéfices.
Face à cette situation nous, prisonniers nous sommes obligés de limiter ces abus afin que nos droits et notre dignité soient respectées. C’est pour toutes ces raisons que nous refusons d’être regroupés en cellule. Il faut d’ailleurs préciser qu’une loi française datant de 1958 confirme ce droit à une cellule individuelle, bien que ce droit ne soit pas souvent respecté. C’est grâce à la lutte que les prisonniers politiques basques ont perpétué ce droit.
Pour poursuivre , voici le texte que nous avons lu devant un membre de la Direction lors d’une Commission Disciplinaire.
“Nous comparaissons devant cette commission pour expliquer les motifs de notre refus d’être regroupé en cellule. Depuis 2010 , la surpopulation carcérale n’est que la suite logique des années précédentes mais lourde de de conséquences, par exemple: des personnes dormant par terre, des bagarres entre co-détenus… Nous sommes en novembre 2016 et cette situation se poursuit. Quelques chiffres données par la Direction Interregionale de Paris en ce mois de novembre 2016 : la surpopulation à Fleury-Merogis est de 154%, à Nanterre de 174,8%, à Osny de 156,5%, à Villepinte de 184,7%, à Bois d’Arcy de 178,8%, à Fresnes de 184,9%,
à Meaux de 185,7%. Selon les mêmes sources 1.422 personnes dorment parterre. Dans les prisons en préventive de Paris et alentours, la capacité opérationnelle est de 7.050 prisonniers alors qu’il y en a 11.751, donc 166,7% de surpopulation. L’Etat français et sont mal nommé Ministère de la Justice violent les droits des prisonniers et nous pousse aux limites en tant qu’être humain. Cette
situation qui perdure depuis de nombreuses années refléte bien le peu d’intérêts portés par l’Etat français aux personnes incarcérés. Nous sommes les encombrants de la société qu’ils veulent nous imposer, et tout ce qui passe à l’intérieur des murs ne transparaît pas à l’extérieur, tout le monde s’en fiche.
Durant de nombreuses années , tous ces différents responsables appliquant la Justice sont restés indifférents face à cette situation inhumaine. Aujourd’hui, les 2 prisonniers politiques basques incarcérés à Villepinte sommes châtiés car nous revendiquons notre droit à rester seul en cellule (jusqu’à présent de par notre profil nous avons toujours été seul en cellule). Parce nous réclamons que notre dignité soit respectée , parce que nous demandons que vous appliquiez votre loi.
Nous sommes convaincus qu’à cette heure, cette prison est plus rentable que jamais, car il n’y a jamais eu autant de “consommateurs”. Comment est-il possible face à une violation permanente des droits, que l’administration et une entreprise privée fassent des bénéfices? Cela nous paraît lamentable!
Ils ont converti les prisonniers en des numéros. Là où il peut y en avoir qu’un seul on en place 2, là où c’est 2 on en met 3, là où c’est 4… Quand les prisonniers que nous sommes, ne sommes plus que de simples numéros et marchandises, la situation est très grave! Madame la Directrice la responsabilité de cette situation est celle de l’Etat , la votre, mais en aucun cas celle des prisonniers qu’ils demeurent seul ou pas en cellule. Demander à un prisonnier “s’il n’a pas honte d’être seul en cellule alors que d’autres dorment parterre?” , comme l’a fait la Directrice Mme Poplin, c’est de la pure hypocrisie! Vous êtes aveuglés par le pouvoir et en oubliez que nous défendons nos droits et notre dignité.
L’un d’entre nous a déjà passé 6 ans et demi seul en cellule, enfermé 21 heures dans un espace de même pas 9 m² ( surface à laquelle il faut enlever la place du lit, des WC, de l’armoire, de la table et du lavabo) à 950 km de chez nous, sans aucune possibilité d’intimité avec nos compagnes. L’un d’entre nous, est qualifié de DPS (Détenu Particulièrement Surveillé qui pour raison de sécurité, selon votre loi, devrait être seul encellule), il est depuis 6ans et demi en préventive et doit encore attendre un an avant d’être à nouveau jugé et ce alors que la France a déjà été condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour avoir violé les délais pour l’un des nôtres. Mais cela aussi vous êtes égal!
Tout cela pour dire que nous connaissons bien les dures conditions carcérales, et nous savons que des personnes doivent parfois dormir parterre en cellule. Dans l’Etat français on peut incarcérer des personnes pour quelques jours, quelques mois… Nous, nous restons là…Madame la Directrice, si de votre point de vue, vous souhaitez que nous soyons tous au même niveau , nous n’avons pas la même vision des choses. Qui se préoccupe de notre situation?Vous, certainement pas. Vous êtes venus nous imposer votre décision s’en prendre en compte notre situation. Vous êtes venus par la force revendiquer que c’est votre droit. Ce ne sont pas deux lits qui vont résoudre un problème structurel. Mais vous avez encore procédé sans dialogue, sans respect.
La Sous Directrice a essayé de nous convaincre que nous n’avons aucun droit à désobéir aux ordres du personnel pénitentiaire, remarque à laquelle nous avons répondu que “nous accomplirions ces ordres tant qu’ils n’attentent pas à notre dignité. Et de poursuivre, bien que notre dignité soit mise à mal nous n’avons “aucun droit à la désobéissance”, notre réponse fut alors des plus claire: oui, Madame la Sous Directrice nous avons des droits. En prison, on nous enlève la liberté, mais pas la liberté de prendre des décisions, dont nous assumons les conséquences, et cela les prisonniers politiques basques l’avons toujours fait .
C’est vous qui n’assumez pas les conséquences de ce système judiciaire malade, car vous continuiez à remplir les prisons sans aucune limite. CETTE SITUATION DOIT PRENDRE FIN! Car si ce n’est nous mêmes qui défendons nos droits, personne ne le fera. Nous défendons nos droits de la seule façon qui nous est possible , en désobéissant aux ordres qui ne respectent pas nos droits , sans violence, sans insulte, mais avec des arguments et une attitude fermes. Nous vous sollicitons à nouveau afin de respecter notre droit à une cellule individuelle , ici et ailleurs, comme à tous nos camarades dans la même situation à Fleury, fresnes, Osny et Meaux… que ce droit soit respecté.”
Pour le moment , ce problème nous affectent à ceux qui sommes incarcérés à Villepinte. Les autres camarades de lutte doivent supporter la surpopulation d’une autre manière, mais pour l’instant il semblerait que le droit à la cellule individuelle soit maintenu. Mais nous savons aussi que les conditions de vie carcérale se dégradent de jour en jour. C’est pour tout cela que nous encourageons la société basque à participer à toutes les initiatives en faveur du respect des droits des prisonnier-es , qu’ils soient malades, éloignés, ayant accompli les ¾ de leur peine, à tout ceux et celles qui luttent pour des conditions de vie décentes… et bien sur! En faveur de notre retour à la maison. La clé est dans le travail en commun entre le Collectif EPPK et la société basque. C’est par l’engagement et la lutte que nous allons y parvenir! Enfin , pour terminer nous lançons un appel à tout Euskal Herria pour participer à la manifestation de janvier 2017 organisée par Sare, pour remplir les rues de Bilbo et à partir de cette date à rester mobilser dans les diffrentes dynamiques pour la liberté de notre peuple et notre retour chez nous.
JO TA KE! Aurrera Bolie!!
AMNISTIA ETA AUTODETERMINAZIOA
EPPK de la maison d’arrêt de Villepinte , décembre 2016
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